Le président Ibrahim Boubacar Keita séjourne depuis le lundi 5 novembre à Paris, à l’invitation de son homologue français, Emmanuel Macron. Il est l’invité d’honneur de ce dernier pour l’inauguration du monument dédié à l’armée noire, dans la ville de Reims, précisément au Parc de Champagne (voir en page 5 l’historique de ce monument).
Dans l’après-midi de ce mardi 6 novembre, le cortège présidentiel quitte Paris à 14h à destination de Reims par route. Outre le président, la délégation comprenait les ministres Kamissa Camara des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale, Tiemoko Sangaré des Forces armées et des Anciens Combattants et Yaya Sangaré des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine. Sans oublier l’ambassadeur Toumani Djimé Diallo et ses collaborateurs. Après 1h45 minutes, le président IBK arrive devant la mairie de la ville, accueilli par le maire et ses collaborateurs. Il est rapidement installé dans une salle, les autres membres de la délégation dans une autre. Le cocktail est au rendez-vous avec la présence de plusieurs ambassadeurs africains. Les échanges et contacts se multiplient entre les uns et les autres. Les cartes de visite se partagent.
C’est dans cette atmosphère festive, que le protocole demande aux invités de regagner les cars pour le Parc de Champagne, lieu de la commémoration.
Sur place, la délégation malienne trouve un beau monde, composé des autorités locales, des étudiants en sciences politiques, des militaires français et maliens. Ces derniers ont quitté par vol direct Gao, sous le commandement du Colonel Diallo.
Dans un froid inhabituel pour les Maliens, installés sous un chapiteau, l’arrivée d’IBK et de Macron prend du retard. Les invités arrêtés sur pied supportent mal le froid. Il n’y a point de siège pour s’asseoir. On tue, donc, le temps avec les échanges.
IBK attend toujours son homologue français à la mairie de la ville. Celui-ci était en tournée dans la région, dans le cadre de son « itinérance mémorielle », à l’occasion du centenaire de l’Armistice.
A 19h 15, branle-bas des services protocolaires. Ils annoncent l’arrivée du duo présidentiel. Côte-à côte, ils marchent d’un pas lent, avec élégance, au rythme de la musique militaire: lever de drapeaux, garde-à-vous, hymnes de deux pays, passage en revue des troupes, présentation des troupes… La cérémonie de commémoration est réglée au millimètre.
Les deux présidents affichent la mine grave des instants solennels.
Dans cette ville, Reims, pleine d’histoire, il s’agit de rendre hommage à 200 000 combattants africains, accourus à la rescousse, pendant la première Guerre Mondiale.
Le premier intervenant est un écrivain congolais, Alain Mabanckou. Avec éloquence et brio, il retrace le parcours des hommes noirs morts pour la France, avec des références bibliographiques, comme Senghor, René Maran avec Batouala et bien d’autres. Il explique aussi le bien fondé de ce monument érigé pour les héros noirs depuis 1924, puis détruit par l’Allemagne nazie. Ce monument a son jumeau à Bamako, au rond point situé en face de la mairie du District, appelé place de la Liberté. Il renaît aujourd’hui à Reims grâce à la volonté politique d’Emmanuel Macron.
Le second intervenant est IBK, invité d’honneur de ce dernier.
Dès l’entame de ses propos, IBK rend un hommage à la France, à son peuple, et son président actuel en ces termes: » Je commencerai, si vous le permettez, par exprimer la gratitude du Peuple malien, de tout le Peuple malien pour l’honneur que vous nous faites, en associant mon pays à cette commémoration, déjà empreinte de l’indélébile marque de l’Histoire. Merci à la France et à son Peuple, pour ce sens si aigu de l’Histoire ! Un merci sincère et profound à vous, Monsieur le Président, pour l’élégance et la tranquille sérénité avec laquelle vous incarnez et assumez cette Histoire. Un merci sincère, profound et tout simplement chaleureux à la population de cette grande et belle ville de Reims, solidement construite, qui porte si fièrement le sceau de l’Histoire, de la Grande Histoire.
La considération, la delicate attention et toute cette solicitude dont ma délégation et moi-même sommes entourés, depuis nos premiers pas dans cette cité radieuse, nous va droit au cœur. Et si vous voulez une confidence, sachez que nous ne sommes pas surpris par tant de marques d’attention, car cette ville a toujours su rester à la hauteur de sa grande histoire.
Cité des sacres, cité des rois, Reims, lieu de brassage et Carrefour de
tant de marqueurs de l’histoire de l’humanité, porte l’empreinte de bien grandes civilisations. Dans cette ville, déjà capital de Rome, au deuxième siècle avant notre ère, l’on innova dans l’enseignement du Dessin, des Mathématiques, de l’Anatomie, de la Chimie et je pourrais poursuivre l’interminable liste ».
Ensuite, IBK, citant Senghor, lui-même, fait prisonnier à Reims, dans son ouvrage « poème liminaire », revendique la parole, en demandant pardon à Senghor. Car ce poète de la négritude écrivait dans ce texte: « …Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux, non!
Je ne laisserai pas les louanges de mépris vous enterrer furtivement.
Aux ministres, comme aux généraux, point de parole ».
C’est pourquoi le president IBK sollicite le pardon de ce dernier, donc, pour prendre la parole, lui, le politique- et d’ailleurs n’a t- il pas le privilège d’être petit- fils d’un poilu?
En tout cas, IBK revendique la parole pour évoquer, invoquer les soldats de l’ex- Soudan (français), l’actuel Mali.
« Je la revendique pour parler de toute la force noire venue des territoires qui correspondent aujourd’hui au Sénégal, au Tchad, à la Guinée, à la côte d’ivoire, au Burkina Faso, au Congo, au Cameroun, à la Centrafrique, au Gabon, à Madagascar, aux Comores, au Niger, au Togo, au Bénin, à l’Algérie, au Maroc, à la Tunisie ». Il revendique la parole pour rendre hommage à tous ceux qui furent du combat pour la dignité, la liberté, la justice: poilus ou tirailleurs, » christ de douleur, comme ils furent à juste titre qualifiés, ou héros anonymes, ils ont saigné pour la paix du monde; ils sont tombés, afin que d’autres puissent avoir le droit, légitime et la possibilité non entravée, de fêter Noël.
IBK de marteler ensuite: » Le souvenir, justement, est toute la raison de la présence du Mali ici, et cette présence ne doit rien au hasard. Le Mali est ici pour son passé et pour son présent.
La dernière étape de la cérémonie : sonnerie aux morts, minute de silence, la Marseillaise chantée par le coeur de l’armée française.
Enfin, les deux présidents retournent à la mairie de Reims pour un long tête-à tête, suivi de la signature du livre d’or de la mairie de Reims.
La délégation présidentielle reprend la route pour Paris. Il était zéro heure 20 lorsque le cortège s’immobilisa devant l’hôtel d’IBK, à Mandarin oriental 251, rue Saint-Honoré 75001 Paris.
El Hadj Chahana Takiou depuis Paris
Source: 22 Septembre