On gouverne par le symbole, pour le symbole et au nom du symbole. Par conséquent, au nom de ce symbole, sans véritable rationalité dans les décisions publiques ni dans les perspectives à long terme, on fait valser les intérêts supérieurs de l’Etat au profit de la bonne renommée. Nos gouvernants ont compris certes qu’en politique, l’image est bien souvent plus importante que le stoïcisme dans le devoir. On espère que le fin mot ne sera pas comme l’a dit Charles Peggy : « Le triomphe des démagogies est passager mais les ruines sont éternelles ».
Peu importe les conséquences ou les brouilles avec le monde et nos plus proches voisins, pourvu que cela plaise aux foules en liesse. Nous les maliens, on aime bien les symboles, c’est bien connu. Nous sommes friands de discours. On ne mobilise jamais contre la corruption, l’exemplarité, le népotisme, pour nos frères et nos sœurs du nord ou du centre quand ils sont meurtris dans leur chair mais on aime à se promener sur le boulevard de l’indépendance en chantant à bas la France et tous les ennemis du Mali.
Cela fait des biens heureux, ça soulage le cœur, ça remonte le moral et ça renforce notre semblant de fierté. Mais en même temps sans sourciller, on accepte la corruption tant que cela ne nous touche pas, la violation de la loi tant que la personne qui l’a fait soit dans nos bonnes grâces. On peut chercher l’ennemi ailleurs mais il est tout près. Il se trouve en vous, il se trouve en nous. Le véritable ennemi de ce pays, c’est l’hypocrisie généralisée qui y règne.
On parle de souveraineté retrouvée. On décrète même une journée payée et chômée. Mais quelle œuvre symbolique. C’est un véritable délice pour le patriotisme et un pied de nez à tous ces politiciens véreux, ces mal aimés qui ont su plonger le pays dans les ténèbres.
On aurait presque oublié que : << La souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice >>. Article 25 de la constitution. La souveraineté, c’est d’abord le choix souverain de ses dirigeants. On ne se souvient pas que dans les temps anciens, ce soit Paris ou Washington qui ait nommé Alpha, ATT ou IBK.
Ensuite la souveraineté, c’est la prise de décision par les autorités légitimes. Tous les choix et les lois qui ont été édictés ces dernières années l’ont été par des autorités ayant la légitimité constitutionnelle et politique. S’il y a eu des mauvaises décisions, ce n’était pas moins pour des questions de souveraineté que des questions de compétences et de vertus politiques. Touchant donc un mot à la chimérique argumentation sur la mainmise de l’extérieur sur la totalité de nos choix stratégiques, on remarquera qu’à chaque fois que le Mali a voulu dire non, il l’a fait notamment le refus d’ATT d’autoriser une base militaire sur le sol malien.
Enfin, la souveraineté, elle n’est pas que politique. Elle est aussi alimentaire, énergétique, économique, financière et militaire. Elle ne se décrète pas seulement à travers les intentions nobles mais se construit à travers des politiques de planification. Au stade d’aujourd’hui, en dehors des efforts sur le plan militaire qui incombe d’être salué (à tout seigneur, tout honneur), le compte n’y est pas sur les autres plans. Tous les torts n’incombent pas à la transition. Elle est le produit des mauvaises décisions de nos responsables antérieures mais elle a tort de vouloir jouer sur les mots et les passions pour entretenir seulement l’image.
En fin de compte, à part le symbole, on ne voit point l’utilité d’instituer une telle journée. Mais on aime les symboles et nos dirigeants nous en redonnent pour notre argent. Le propos n’est pas de jeter l’opprobre sur la transition, loin s’en faut, mais de s’interroger sur l’utilité d’une telle mesure. Nous avons déjà des dates pour commémorer ensemble notre fierté et notre indépendance, c’est le 22 septembre et le 20 janvier. Cela devrait suffire. Nous aurons désormais deux jours de fêtes patriotiques en l’intervalle de quelques jours. Pourquoi pas un 20 janvier bis puisque l’armée monte également en puissance. Tâchons de garder la tête froide dans nos prises de décisions. Le pays en sortira grandi.
Ne faisons pas nôtre cette pensée de Napoléon : « La bonne politique est de faire croire aux gens qu’ils sont libres ». S’il ne faut rien négliger de la portée symbolique des choix politiques qui est parfois nécessaire, on ne doit pas faire de la politique que du symbole. C’est un jeu de posture. Il faut simplement changer la vie des gens. C’est tout qu’on nous demande.
Vive la république.
Hamidou Doumbia