Le récent communiqué de Human Rights Watch sur la situation au Mali a suscité une réponse énergique du gouvernement, le 3 novembre dernier. On peut retenir une analyse critique et une réplique cinglante d’un rapport aussi biaisé qui ne passe pas.
Intitulée « Mali : Les groupes islamistes armés et l’armée prennent les civils pour cible », la déclaration de l’ONG a été vigoureusement contestée par le gouvernement dans son document intitulé « Eléments de réponse du Gouvernement du Mali au communiqué de Human Rights Watch sur le Mali ». In extenso, la réplique du Gouvernement de la transition.
Introduction
Le 1er novembre 2023, l’Organisation non gouvernementale Human Rights Watch a publié un communiqué intitulé « Mali : Les groupes islamistes armés et l’armée prennent les civils pour cible ».
Cette publication a été précédée de lettres en date du 10 octobre 2023 envoyées au Ministre de la Défense et des Anciens Combattants et au Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux.
Observations générales
Sur la procédure, le Gouvernement du Mali fait observer que les correspondances adressées aux ministres susmentionnés, pour une réaction avant le 22 octobre 2023, ne sont parvenues aux services compétents chargés de leur acheminement que le 20 octobre 2023. L’extension de quelques jours supplémentaires accordée n’a pas permis de réagir aux allégations contenues dans les correspondances, compte tenu de leur gravité,
En observation préliminaire, le Gouvernement rappelle que l’Etat du Mali est profondément attaché au respect des droits humains consacrés dans toutes ses Constitutions, de l’Indépendance à nos jours. Ces Constitutions garantissent les droits fondamentaux de chaque citoyen et mettent l’accent sur la forme républicaine et laïque de l’Etat.
Par ailleurs, le Mali a souscrit à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981. Les valeurs de respect, de promotion et de protection des droits humains sont en outre inscrites dans l’identité du Mali, qui, depuis l’Empire du Mali, au 13ème siècle, a adopté la Charte du Mandé, appelée Charte du Kurukan Fuga.
A cet égard, le Gouvernement du Mali est déterminé à défendre les droits de l’homme en général, les droits de la Femme et de l’Enfant ainsi que la diversité culturelle et linguistique de la communauté nationale, en particulier. Le respect de la vie humaine est une valeur cardinale à laquelle adhère toutes les structures nationales, particulièrement celles, à l’instar des Forces Armées maliennes, dont le devoir régalien est la protection des personnes.
A ce titre le Mali coopère avec la quasi-totalité des Organisations de Défense des Droits de l’Homme nationales et internationales.
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Observations spécifiques
L’examen du rapport de Human Rights Watch appelle de la part du Gouvernement du Mali les observations et commentaires ci-après :
Tout d’abord, le Gouvernement dénonce avec force l’approche biaisée et sensationnaliste du communiqué de Human Rights Watch, qui, dès le titre de sa publication, met l’Armée malienne au même rang que les «< groupes islamistes armés ». Cette démarche de l’ONG pose des doutes sérieux, non seulement sur l’objectivité de son analyse mais également sur la crédibilité de tous les faits allégués car ceux-ci ne tendraient qu’à étayer une ligne éditoriale clairement affichée d’emblée.
Le Gouvernement regrette, avec la même vigueur, que HRW ait pris le parti assumé de faire croire que l’Armée malienne « prenne les civils pour cible ». Ce narratif, qui reprend des éléments de langage de certains acteurs internationaux dont l’hostilité vis-à-vis du Mali n’est pas un secret, cache mal la démarche, entièrement à charge, suivie par l’ONG.
En réaction, le Gouvernement du Mali souligne tout d’abord que toutes les allégations de violations graves des Droits humains portées à la connaissance des autorités judiciaires de l’ordre civil ou militaire, conduisent à des enquêtes en vue d’en rechercher leurs auteurs et de les poursuivre.
Toutefois, il importe de signaler les contraintes et les défis liés à la conduite des enquêtes dans le contexte d’insécurité que connait le pays depuis 2012. Nonobstant cet état de fait, la justice malienne a initié plusieurs procédures contre les membres des forces armées et de sécurité ou les groupes armés, dont certaines ont fait l’objet de jugement et d’autres en cours d’instruction préparatoire devant les juridictions civiles ou militaires.
Le Gouvernement regrette la méthode de collecte d’informations utilisée par Human Rights Watch, notamment les témoignages recueillis en utilisant des appels téléphoniques, auprès de << personnes au courant des incidents »>, sans autre précaution minimum de recoupement d’informations.
Il est tout aussi regrettable et en se fondant sur les commentaires faits par des medias instrumentalisés, sans vérification sur site, enlève toute crédibilité aux conclusions du rapport.
Aussi, aucun des cas de violations présumées des Droits de l’Homme contenus dans les présentes conclusions préliminaires de Human Rights Watch n’avait été, jusqu’à ce jour, porté à la connaissance des autorités judiciaires compétentes.
Cela renforce les doutes sur la crédibilité des allégations portées par Human Rights Watch et qui ne reflètent aucunement la réalité sur le terrain. En effet, les opérations menées par les Forces Armées maliennes (FAMa) dans la région de Nara ont toutes ciblé les groupes armés terroristes et en conséquence, sans aucun incident sur les populations civiles. A ce titre, l’opportunité d’une enquête ne s’était pas présentée.
S’agissant des mesures prises pour accorder des réparations aux victimes de violations des droits humains ou à leurs familles dans le contexte du conflit au Mali depuis 2022, le Gouvernement rappelle la mise en place de l’Autorité de gestion des réparations pour les victimes devant succéder à la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), ainsi que l’organe chargé de la conservation des mémoires des crises. Dans ce cadre, le Gouvernement a adopté la Loi n°2022-041 du 15 novembre 2022 fixant les règles générales relatives à la réparation des préjudices causés par les violations graves des droits de l’Homme et de son Décret d’application n°2022-0730/PT-RM du 23 novembre 2022.
En de nombreux passages, le rapport de HRW cite nommément un groupe de sécurité privé russe, en sous-entendant, sans aucune nuance, que le Gouvernement entretiendrait des relations avec celui-ci.
Il est regrettable, une fois de plus, que des éléments de langage distillés par des Etats hostiles au Mali soient repris et présentés comme des faits réels par une Organisation dont la crédibilité repose, en grande partie, sur la neutralité et l’indépendance politique et technique vis-à-vis des Etats.
Le Gouvernement du Mali rappelle que la diversification des partenariats du Mali s’entend en termes de partenariat d’Etat à Etat. Ainsi, il semble utile de souligner que les relations entre le Mali et la Russie remontent à l’indépendance de la République du Mali, en 1960 et depuis cette date, le Mali entretient une coopération riche et variée avec la Russie.
Comme il l’a déjà précisé dans ses observations précédentes aux publications de HRW, les Forces Armées et de sécurité maliennes opèrent en toute autonomie.
Concernant les allégations présumées de violations des droits de l’Homme adressées au Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme par l’ONG Human Rights Watch, dans son précédent rapport, et qui seraient intervenues dans les localités de Ouenkoro, Séguelal, Sossobe et les régions de Thioffol, Mopti et Ségou entre décembre 2022 et mars 2023, ces cas sont en cours d’instruction préparatoire au niveau de cabinet du Pole Judiciaire Spécialisé. Pour certains cas comme celui de Sossobe, des délégations judiciaires émises par le juge d’instruction sont en exécution.
Conclusion
De l’analyse des allégations contenues dans le rapport de HRW, il ressort le caractère tendancieux des allégations infondées, des affirmations gratuites, des témoignages recueillis à distance et orientés, des conclusions erronées tendant à incriminer les autorités maliennes et les FAMa.
Les violations graves citées dans ce rapport sont l’œuvre des groupes terroristes. Les civils, les militaires et les forces internationales payent un lourd tribut de cette barbarie. L’armée est dans sa mission régalienne de protection du territoire, des populations et des biens. Dans ce cadre, elle opère en toute autonomie et ne fait appel à aucun supplétif étranger. Grâce à sa montée en puissance, des dizaines de milliers de personnes a pu regagner leur lieu de résidence, l’administration et les services sociaux de base se redéployent progressivement.
Les FAMa sont une armée républicaine, formée au respect des dispositions pertinentes des droits de l’homme et du droit international humanitaire. C’est une armée nationale dans laquelle toutes les communautés sont représentées, à tous les niveaux, y compris au plus haut niveau du commandement. Les Forces Armées maliennes accomplissent leur rôle dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire auxquels elles sont formées et sensibilisées en permanence. Il importe également de rappeler que la prévôté est présente au sein de chaque détachement opérationnel pour garantir le respect des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire sur les différents théâtres d’opérations militaires.
En termes de perspectives, le Gouvernement recommande une meilleure lecture des événements de la part de Human Rights Watch, qui gagnerait notamment à rester dans une stricte neutralité et à inscrire davantage sa démarche dans une approche constructive.
La Rédaction