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Pandémie du Covid-19 : La crise a permis de voir la vie autrement,… il y a nécessité de repenser l’Afrique post-Covid-19

Le Réseau libéral Africain et la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté ont, du 16 au 30 avril 2020, mené un sondage en ligne autour du thème « Covid-19 et libertés en Afrique ». L’étude a fait l’objet d’un panel, qui a consisté en la présentation et l’analyse des résultats ce mardi, 12 mai 2020.

La table-ronde, organisée en ligne via la page Facebook du réseau, a réuni Dr Thomas Ouédraogo, directeur exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD, Burkina) ; Sophie Konaté, chef de bureau Côte d’Ivoire de la Fondation Friedrich Naumann ; Fatoumata Sako, du parti pour le développement économique et la solidarité (Mali) ; Faouzia El Bayed du parti Union constitutionnelle (Maroc) ; Mountsara Gilda, Udh-Yuki (Congo-Brazzaville). A la modération, Me Gilbert Noël Ouédraogo, président du Réseau libéral africain.

Le panel s’est déroulé en deux grandes étapes à savoir, la présentation des résultats du sondage par le président du Réseau libéral africain, Me Gilbert Noël Ouédraogo, et l’intervention des panélistes.

L’échantillon du sondage est constitué de 1 200 répondants, répartis dans 36 pays africains (sur les 54). L’étude a pris en compte toutes les régions du continent avec leurs réalités spécifiques. La méthodologie a, elle, consisté en un échantillon aléatoire simple à participation volontaire (B to B).

Les principaux résultats enregistrés font, de façon synthétique, ressortir un large soutien aux mesures restrictives de lutte contre le virus en Afrique, de vives préoccupations pour la sauvegarde des libertés, de fortes divergences sur l’intervention du gouvernement dans les libertés économiques et les libertés civiles, des populations qui ne tiennent pas la mondialisation et le libre-échange pour responsables de la propagation du virus, une forte expression de colère contre la corruption et la dénonciation d’une mauvaise gouvernance qui mettent en danger les systèmes de santé.

Ainsi, les résultats désagrégés indiquent que 92% des Africains soutiennent les mesures restrictives pour contrôler la propagation du virus Covid-19 ; 50% pensent que ces mesures ont des effets bénéfiques sur la société ; 40% soutiennent les mesures, mais les considèrent comme un risque pour les libertés individuelles. Toujours selon les résultats, 7% des Africains pensent que les mesures vont trop loin et compromettent inutilement les libertés tandis que 1% pense que les mesures ne sont pas du tout nécessaires.

Pour ce qui est de la question relative au renoncement des libertés et à la colère contre la corruption, on note que 62% sont prêts à renoncer à une partie (ou à plusieurs) de leurs libertés pendant une plus longue période pour maîtriser le virus ; 32% sont prêts à le faire pendant quelques semaines, tout au plus et 65% des Africains pensent que le virus est particulièrement risqué en Afrique, car « les systèmes de santé ont souffert de la corruption et des gouvernements malhonnêtes ».

21% des Africains pensent cependant qu’il est un peu exagéré de dire cela (à savoir que les systèmes de santé ont souffert de la corruption et des gouvernements malhonnêtes, NDLR) et 11% sont en désaccord avec les accusations contre la corruption et la mauvaise gouvernance.

« 44% des Africains pensent que le Covid-19 a un effet positif sur les relations sociales »

Aussi, 23% des citoyens sondés pensent que la mondialisation, le libre-échange et les fausses nouvelles sont à l’origine de la propagation du virus en Afrique et que les frontières doivent rester fermées ; 32% affirment qu’il est exagéré de blâmer les marchés ouverts ; 41% sont complètement en désaccord avec les accusations qui tendent à rendre l’économie de marché responsable de la crise sanitaire ; 27% des enquêtés pensent que toutes les informations sur le virus sont correctes ; 60% prennent les informations avec des pincettes et 8% pensent même que la plupart des informations sont fausses et créent une panique inutile.

Sur tout autre plan, 15% des Africains font plus confiance à leur gouvernement qu’auparavant ; 16% font moins confiance à leur gouvernement qu’auparavant ; 11% font entièrement confiance à leur gouvernement ; 41% font confiance jusqu’à un certain point tandis que 15% n’ont jamais fait confiance à leur gouvernement et « ne le font toujours pas ».

34% des Africains s’accordent à dire que le Covid-19 a un effet positif sur l’environnement et que cela est bienvenu. 53% y voient un effet positif, mais relèvent que l’impact négatif sur la santé publique et sur l’économie est plus important que l’effet positif sur l’environnement ; 27% voient émerger une « société plus aimable » en raison de la crise. Toujours dans le même volet, 25% ne voient ni effet positif ni émergence d’une « société plus aimable » tandis que 44% perçoivent que la crise sanitaire a un effet positif sur les relations sociales, mais que les effets négatifs sur la santé publique et l’économie plus importants.

Pour ce qui est de l’intervention du gouvernement dans l’économie, 39% y sont favorables ; 17% sont désormais plus convaincus qu’auparavant que, c’est une bonne chose (interventionnisme étatique, par exemple en organisant la santé publique et d’autres réglementations qui protègent les groupes défavorisés) ; 25% étaient toujours opposés à trop d’intervention gouvernementale, alors que 15% sont encore plus sceptiques qu’auparavant, car autant d’effets négatifs de la crise sont causés par le gouvernement (mauvaise gestion du système de santé, limitation des échanges ).

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En outre, 28% des Africains sont favorables à un contrôle gouvernemental fort sur les libertés comme la liberté de circulation, de réunion et de presse ; 14% sont favorables à un tel compromis, car pour eux, « si on permet à chacun de faire ce qu’il veut, nous nous retrouverons avec d’autres crises comme le Covid-19 ». 34% sont en faveur d’un maximum de libertés individuelles et 16% de plus sont favorables à plus de liberté parce que, pour eux, « la crise a montré à quel point, c’est terrible quand le gouvernement prive les citoyens de leurs libertés pour organiser leur propre vie ».

Renforcer la solidarité entre Africains !

La présentation des résultats a arraché des commentaires, analyses et des propositions aux panélistes.

Dans cette partie, et pour Dr Thomas Ouédraogo du CGD, les résultats du sondage sont interpellateurs. Il dit également comprendre la posture des citoyens par rapport au soutien des mesures. « Les mesures ne sont pas un problème, mais c’est la confiance qui constitue plutôt un problème ; lorsqu’on se rend compte que les citoyens sont prêts à accompagner les mesures restrictives, pour peu qu’ils fassent davantage confiance au gouvernement. Donc, le gouvernement est beaucoup plus interpellé », souligne Dr Ouédraogo.

De son avis, le Covid-19 est un moment qui rappelle aux citoyens, leurs devoirs de suivre de près l’action des gouvernements. En termes d’enseignements pour l’Afrique, l’enseignant de droit retient que la crise a montré qu’au-delà des particularismes, le monde est confronté aux mêmes problèmes.

Sophie Konaté, chef de bureau Côte d’Ivoire de la Fondation Friedrich Naumann, relève que les résultats sont assez disparates. « Souvent, on entend : qu’est-ce que l’Etat fait pour moi, qu’est-ce que l’Etat a mis en place ? On est dans une culture où d’emblée, on est plus favorable à l’intervention plus marquée de l’Etat », commente-t-elle l’opinion exprimée par les enquêtés sur l’intervention du gouvernement dans l’économie, précisant cependant qu’il s’agit d’une perception à un instant T.
Mme Konaté observe également que les grandes pandémies ont souvent été sources de changement de modèles (économique, politique, social…). Aussi note-t-elle que la crise a permis de voir la vie autrement. Il faut donc se préparer à un changement de modèle, avise-t-elle.

Faouzia El Bayed du parti Union constitutionnelle s’est appesanti sur la confiance des Africains vis-à-vis des institutions publiques de leur pays et la manière dont leur gouvernement gère la propagation du Covid-19. « Parmi les chiffres révélateurs des intentions de la population, nous avons seulement 11% des citoyens qui ont confiance à leur gouvernement », reprend-elle avant d’affirmer que la crise de confiance est un problème qui se pose avec acuité.

C’est en cela qu’elle pense qu’il faut trouver un nouveau contrat social pour garantir la hausse de la confiance des citoyens vis-à-vis de leur gouvernement. « La défiance profonde et prolongée pèse sur la stabilité institutionnelle et porte préjudice au climat de l’investissement, de la consommation et de la démocratie », avertit l’ancienne députée, Faouzia El Bayed.

Tout en retenant que la bonne gouvernance ne peut avoir lieu qu’avec la contribution active et dynamique des citoyens, leur engagement civique à la vie publique et le choix de leurs représentants, Faouzia El Bayed préconise un nouveau plan de développement, la nécessité de repenser l’enseignement, l’avenir du continent (africain) et le renforcement de la solidarité entre Africains.

« Ces deux tendances prouvent à suffisance que nous sommes dans une société où les citoyens sont conscients de leurs droits dont la jouissance leur est garantie par les textes, la Constitution ou par la Déclaration universelle des droits de l’Homme », dit pour sa part, Mountsara Gilda, commentant le point relatif à l’opinion des Africains sur les restrictions des libertés individuelles.

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65% des Africains pensent que le virus est particulièrement risqué en Afrique, car « les systèmes de santé ont souffert de la corruption et des gouvernements malhonnêtes ». Cette perception des enquêtés n’est pas partagée par Fatoumata Sako pour qui, le Covid-19 a mis à rude épreuve, non seulement les systèmes de santé des pays africains qui étaient déjà fragiles, mais également les systèmes de santé dits robustes.

C’est par des messages d’appel à l’ensemble des populations africaines au respect des mesures barrières, notamment le port de masque, le lavage des mains …, que le modérateur a conclu les échanges. Le président du Réseau libéral africain, Me Gilbert Noël Ouédraogo, a saisi le cadre pour magnifier « le leadership » des Chefs d’Etat africains libéraux dans la lutte contre le Covid-19 (notamment, le président sénégalais, Macky Sall). Il soutient que les libéraux ont pris la pandémie à bras-le-corps, dès le début. Le président du Réseau libéral africain a en outre fait une mention au président malgache pour le produit sur le Covid-19.

La synthèse de O. L

 

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