Dans le contenu ci-dessous, la réplique du Gouvernement au Rapport des Nations Unies sur les évènements survenus dans le village de Moura (commune de Tougé-Mourari, cercle de Djenné, région de Mopti) au centre du Mali, du 27 au 31 mars 2022de Moura, précédé du Résumé exécutif du rapport.
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Rapport de l’ONU sur les événements de Moura : Le Gouvernement récuse et décide d’une enquête judiciaire

Dans le contenu ci-dessous, la réplique du Gouvernement de la transition au Rapport des Nations Unies sur les évènements survenus dans le village de Moura (commune de Tougé-Mourari, cercle de Djenné, région de Mopti) au centre du Mali, du 27 au 31 mars 2022de Moura, précédé du Résumé exécutif du rapport.

Résumé exécutif

Le présent rapport publié par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme présente les résultats d’une mission d’établissement des faits mise en place par la Division des droits de l’homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Il est publié en vertu du mandat de promotion et de protection des droits de l’homme du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, décrit dans la Résolution 48/141 de l’Assemblée générale des Nations Unies, de 20 décembre 1993 et de la résolution du Conseil de sécurité 2640 (2022) du Conseil de sécurité des Nations Unies qui demande à la MINUSMA de « surveiller les violations du droit international humanitaire et les violations des droits humains et les atteintes à ces droits, notamment toutes les formes de violence sexuelle et fondée sur le genre, la traite des personnes et les violations et atteintes commises contre des femmes et des enfants sur tout le territoire malien, recueillir des preuves, mener des missions d’établissement des faits, concourir aux enquêtes et faire rapport publiquement au Conseil de sécurité à ce sujet tous les trois mois, et contribuer aux activités de prévention de ces violations et atteintes, y compris en communiquant avec les partenaires compétents, selon qu’il convient ».

Le rapport présente les conclusions de la mission d’établissement des faits sur les évènements survenus dans le village de Moura (commune de Tougé-Mourari, cercle de Djenné, région de Mopti) au centre du Mali, du 27 au 31 mars 2022.

En effet, suite aux allégations faisant état de graves violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme au cours de l’opération aéroportée et aéroterrestre menée par les Forces Armées Maliennes, appuyées par les personnels militaires étrangers, du 27 au 31 mars 2022 dans le village de Moura, la MINUSMA a déployé une mission spéciale d’établissement des faits pour faire la lumière sur ces évènements.

Composée de 12 chargés des droits de l’homme et de quatre (4) experts de la police des Nations Unies (UNPOL), la mission spéciale d’établissement des faits a conduit ses travaux, conformément à la méthodologie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, sur une période de sept mois, soit du 1er avril au 30 octobre 2022 à Bamako, Douentza, Mopti, Ségou et Sikasso.

Au total, la mission d’établissement des faits a conduit 157 entretiens individuels avec une variété de sources, y compris des victimes de viol et autres formes de violences sexuelles, des membres des communautés peule, rimaibè et bozo venant de 18 localités. La mission a aussi conduit 11 entretiens de groupes, notamment avec des personnes ayant une connaissance directe de l’incident, au cours desquels 140 personnes ont été interviewées.

La mission s’est également entretenue avec des personnes déplacées internes qui ont quitté Moura à la suite de l’opération militaire pour trouver refuge ailleurs ainsi que des personnes arrêtées au cours de l’opération qui ont été libérées par la suite. La mission d’établissement des faits a aussi eu des séances de travail avec des acteurs humanitaires, les agences des Nations Unies, les leaders politiques, les institutions étatiques des droits de l’homme, les associations et organisations faitières ainsi que les leaders religieux et traditionnels. Enfin, elle a rencontré les autorités maliennes civiles et militaires tant au niveau national qu’au niveau régional pour recueillir leur version des faits et discuter des actions entreprises, y compris l’ouverture des enquêtes internes ou judiciaires.

Au terme de son travail, la mission d’établissement des faits a conclu que l’opération militaire aéroportée et terrestre conduite par les Forces Armées Maliennes et les personnels militaires étrangers à Moura, le jour de la foire hebdomadaire, a été menée en violation des règles du droit international humanitaire, notamment celles relatives à la conduite des hostilités et au traitement des personnes capturées et/ou mises hors de combat, ainsi que normes et standards du droit international des droits de l’homme.

A cet égard, la mission d’établissement des faits a conclu que plusieurs centaines des personnes auraient été tuées entre le 27 et le 31 mars au cours de l’opération militaire à Moura. La mission a également pu établir que parmi eux une trentaine de membres de la Katiba Macina auraient été tués au cours de la même opération. Au regard des informations collectées, vérifiées et corroborées par la mission d’établissement des faits, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme a des motifs raisonnables de croire qu’au moins 500 personnes auraient été tués en violation des normes, standards, règles et/ou principes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire entre le 27 et le 31 mars au cours de l’opération militaire à Moura. Il s’agit d’une vingtaine de civils tués le 27 mars par des tirs aériens effectués par les Forces Armées Maliennes et les personnels militaires étrangers pour empêcher la population de s’enfuir et de quitter Moura et d’au moins 500 individus, y compris une vingtaine de femmes et sept enfants, exécutés par les Forces Armées Maliennes et les personnels militaires étrangers entre le 27 et le 31 mars après que la zone a été totalement « maitrisée ». 3 La mission d’établissement des faits dispose des noms d’au moins 238 de ces personnes qui ont été exécutées. Selon plusieurs témoignages concordants, les victimes ont été inhumées dans quatre fosses communes creusées par les villageois, notamment à proximité du cimetière du village, au sud-ouest du village sur la route de Gossiri et au nord-est sur la route de Diabi (localisations fournies en annexe du rapport). Au moins cinquante-huit (58) personnes ont été arrêtées parmi lesquelles certaines ont été victimes de torture et de mauvais traitements.

Enfin, sur base des informations recueillies, la mission d’établissement des faits a des motifs raisonnables de croire que 58 femmes et jeunes filles ont été victimes de viol et autres formes de violences sexuelles perpétrés par des éléments des Forces Armées Maliennes. Les événements à Moura entre le 27 et le 31 Mars pourraient constituer des crimes de guerre et si commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile ils pourraient constituer des crimes contre l’humanité.

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Eu égard à ce qui précède, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme recommande aux autorités maliennes de s’assurer que les enquêtes annoncées sur les possibles violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme à Moura soient menées de façon indépendante impartiale, efficace, exhaustive et transparente et que les conclusions de ces enquêtes soient rendues publiques ; de poursuivre tous les présumés auteurs en vue d’établir leur responsabilité ; de s’assurer que les victimes et/ou les membres de leurs familles  aient accès à la justice et leur octroyer le cas échéant une réparation intégrale ; de prévoir des mesures appropriées pour accompagner les victimes des violences sexuelles liées à l’opération de Moura en référence au plan d’action 2022-2024 de réponse et de prévention des violences sexuelles liées au conflit et aux obligations internationales du Mali en la matière ; de renforcer la coopération avec la MINUSMA dans le domaine des droits de l’homme, notamment en garantissant à la MINUSMA la liberté de circulation afin qu’elle puisse s’acquitter de son mandat lié aux droits humains, conformément à la résolution 2640 (2022) du Conseil de sécurité ; de s’assurer que les forces engagées dans les opérations militaires y compris les personnels militaires étrangers respectent les règles du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.

Il recommande à la MINUSMA de mettre à la disposition des autorités maliennes, en cas de besoin, les ressources appropriées y compris logistiques et techniques dans le cadre de la conduite de l’enquête ouverte ; et de poursuivre la coopération technique avec les forces de défense et de sécurité maliennes, notamment dans le cadre des activités de renforcement des capacités, y compris en matière de droits de l’homme et du droit international humanitaire lors des opérations militaires.

Enfin, il recommande aux Etats tiers de soutenir les efforts des autorités maliennes de transition dans le cadre de la lutte contre l’insécurité au Mali et appuyer les autorités nationales dans leurs efforts de lutte contre l’impunité ; d’assurer des enquêtes sur les possibles violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme commis par leurs ressortissants et le cas échéant, poursuivre les suspects ; et de respecter leurs obligations en droit international des droits de l’homme et de droit international humanitaire, dans la mesure où des membres de leurs forces armées et de sécurité ou d’autres agents de l’état seraient déployés au Mali et participent aux opérations de sécurité.

La réplique du Gouvernement au Rapport des Nations Unies sur les événements de Moura

Le Gouvernement de Transition a consulté avec une grande attention le rapport sur « les événements de Moura du 27 au 31 Mars 2022 » publié le 12 Mai 2023, par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’homme.

Le Gouvernement de Transition dénonce, avec véhémence, ce rapport biaisé, reposant sur un récit fictif et ne répondant pas aux normes internationales établies. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’a jamais daigné faire de commentaire au cours de son élaboration.

Après l’opération aéroportée réussie de nos vaillantes forces armées à Moura, à la demande du Gouvernement de la Transition, la justice militaire a décidé d’ouvrir une enquête judiciaire pour élucider les éventuels cas de violation des droits de l’homme.

C’est justement la même mesure que recommande le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’homme.

Au regard de ce constat, il est utile de s’interroger sur l’opportunité de cette publication qui recommande au Gouvernement de la Transition, une décision que ce dernier a pris il y a plus d’un an, si ce n’est de perturber la tranquillité des Maliens à l’approche d’un scrutin référendaire d’une importance capitale pour le processus de refondation en cours.

A la suite des évènements de Moura, conformément aux procédures en vigueur au Mali, une enquête a été ouverte pour faire toute la lumière sur les allégations de violations des droits humains. Le 09 Avril 2022, un transport judiciaire de constat a été effectué par le parquet de Mopti. Les premiers éléments de l’enquête mettent en évidence l’hypothèse d’un affrontement ayant provoqué des morts par projectiles, et le constat que la grande majorité des corps sont des adultes de sexe masculin.

Sur le plan sécuritaire, il n’échappe à personne que l’intervention militaire des Forces Armées Maliennes (FAMa) a été salutaire et a apporté beaucoup de quiétude à la population, signe que la défaite infligée à la KATIBA MACINA et à ses sponsors étatiques étrangers a permis de les désorganiser durablement. Aucun ressortissant civil de Moura n’a perdu la vie pendant l’opération militaire. Parmi les morts, il n’y avait que des combattants terroristes et toutes les personnes interpellées ont été mises à la disposition de la Gendarmerie de Sévaré. Après enquête, les personnes interpellées ont été transférées au Service d’Investigations judiciaires de la Gendarmerie Nationale de Bamako, puis mises à la disposition de la justice.

L’enquête poursuit son cours et le Gouvernement du Mali est déterminé à faire aboutir cette procédure, dans le respect strict des droits de l’Homme et en toute indépendance.

Il importe toutefois de préciser que l’enquête a nécessité des actes plus approfondis qui sont actuellement en cours d’exécution. Les délais nécessaires à la manifestation de la vérité doivent être respectés pour, d’une part, préserver l’enquête des influences et manipulations médiatiques et, d’autre part, donner le temps aux enquêteurs indépendants de mener leurs analyses et formuler leurs conclusions selon le rythme approprié.

En plus de l’enquête conduite par le Ministère de la Défense et des anciens Combattants, une enquête judiciaire a été ouverte sous la responsabilité du pôle judiciaire spécialisé. Les résultats de ces enquêtes seront portés à la connaissance de l’opinion nationale en temps opportun.

Le Gouvernement de la Transition a examiné la méthodologie ayant guidé la rédaction du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’homme et a appris avec stupeur que la mission d’établissement des faits avait utilisé des satellites au-dessus de Moura pour obtenir des images.

Le Gouvernement de la Transition informe l’opinion nationale et internationale, qu’en aucun moment, ni la MINUSMA, ni le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme ne lui ont adressé une demande d’autorisation pour prendre des images de Moura grâce à des satellites.

En utilisant des satellites pour obtenir des images, sans autorisation et à l’insu des Autorités maliennes, la mission d’établissement des faits a effectué une manœuvre clandestine contre la sécurité nationale du Mali.

Par conséquent, le Gouvernement de la Transition décide d’ouvrir immédiatement une enquête judiciaire contre la mission d’établissement des faits et ses complices pour espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, des crimes réprimés par le code pénal (Art 33 et 35), ainsi que de complot militaire, un crime réprimé par le code de justice militaire (Art 130), sans préjuger de la qualification des autorités judiciaires.

Le Gouvernement de la Transition rappelle que cette attitude de la mission d’établissement des faits ressemble à un cas d’espionnage de la junte française qui avait placé illégalement un drone au-dessus de la base de Gossi, le 20 Avril 2022, pour filmer des cadavres humains, minutieusement prédisposés, dans le but d’accuser les FAMa.

Soucieux du respect de la vie et de la dignité humaines, à maintes reprises, le Gouvernement de la Transition avait mis en garde contre l’instrumentalisation de la MINUSMA et des Droits de l’Homme dans le dessein de briser la dynamique de la montée en puissance des forces de défense et de sécurité du Mali et de s’opposer aux choix stratégiques du Mali.

Dans ce contexte, il est contradictoire et paradoxal de noter la célérité avec laquelle la mission d’établissement des faits a été mise en place au moment où le Mali portait plainte devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 15 Août 2022 sur les actes d’agression contre la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un Etat membre des Nations Unies par la junte française, avec des preuves de violations flagrantes et répétées de son espace aérien et d’espionnage, pour avoir collecté des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel, tout en leur larguant des armes et des munitions. Il y a lieu de rappeler que ces groupes sont les principaux responsables de la commission des violations graves et massives des droits de l’Homme.

Suite à la plainte du Mali, aucune commission d’établissement des faits n’a été mise en place. A ce jour, la réunion spéciale demandée par le Mali pour présenter les preuves de la duplicité de la junte française n’a connu aucune suite. Dès lors, dans un souci de cohérence et d’éviter la politique des deux poids deux mesures, le Gouvernement du Mali estime que la suite donnée au présent rapport de la mission d’établissement des faits ne saurait être examinée séparément de la plainte portée par le Mali devant le Conseil de Sécurité contre la junte française.

Le Gouvernement de la Transition, sous le leadership de Son Excellence Le Colonel Assimi GOÏTA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, réitère son attachement au respect et à la protection des droits de l’Homme sur l’ensemble du territoire national et au bénéfice de tous les citoyens. En outre, il exprime sa détermination à poursuivre son œuvre de refondation pour le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé.

Le Gouvernement de la Transition appelle les populations maliennes à rester vigilantes et sereines face aux tentatives désespérées de désinformation, de dénigrement et de déstabilisation déguisées sous couvert des droits de l’Homme et pour des intérêts inhumains.

Que Dieu bénisse le Mali et préserve les Maliens !

Bamako, le 13 mai 2023

Le Ministre d’Etat, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-parole du Gouvernement,

Colonel Abdoulaye MAIGA

Chevalier de l’Ordre National

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