La mise en place des délégations spéciales apparaît comme une mesure nécessaire et responsable pour rectifier les dysfonctionnements constatés et instaurer une gouvernance locale plus saine.
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Sommet des Non-alignés à Kampala : Le Mali exprime ses préoccupations et demande des changements

Sous la présidence du Président de la République d’Ouganda, S.E Yoweri Kaguta Museveni, s’est ouvert, ce vendredi 19 janvier 2024, le Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement du Mouvement des non-alignés. Le Ministre d’État, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-Parole du Gouvernement, Colonel Abdoulaye Maïga, a prononcé un discours marqué par les remerciements pour l’accueil fraternel reçu et les félicitations pour l’organisation remarquable du Sommet. Extrait.

« Ensuite, voudrais-je vous adresser les chaleureuses félicitations de la délégation du Mali pour l’organisation remarquable de ce Sommet et, en même temps, vous exprimer nos sincères remerciements pour l’accueil fraternel et l’attention toute particulière dont ma délégation et moi-même sommes l’objet depuis notre arrivée en Ouganda, pays frère et ami qui entretient avec le mien d’excellentes relations de coopération dans divers domaines.

Je tiens également à exprimer notre satisfaction à l’endroit de la présidence azerbaïdjanaise du Mouvement des non-alignés, pour le leadership et le travail accompli durant les quatre dernières années.

Notre Sommet se tient dans un contexte marqué par la complexité des multiples défis auxquels nos États font face. Les différentes crises qui n’épargnent aucune région du monde, mettent en péril nos efforts de développement et compromettent l’avenir des générations futures. Le traitement adéquat de ces nombreux défis nécessite une synergie d’actions et le renforcement de la solidarité entre nos États. En cela, le thème proposé pour cette session, à savoir « Approfondir la coopération pour une richesse mondiale partagée », exprime pleinement nos aspirations. Il nous invite également à puiser, d’une part dans les valeurs fondatrices de notre Mouvement pour fournir une réponse appropriée aux attentes légitimes de nos peuples, et d’autre part dans notre culture et notre histoire. Au Mali, le partage et la solidarité font partie de notre patrimoine national.

En mettant l’accent sur le partage, ce thème rappelle l’importance d’une action collective et surtout l’urgence d’une sincère solidarité afin de mieux répartir les ressources mondiales.

Nous vivons dans un monde profondément divisé, où la confiance entre les acteurs internationaux est fortement entamée. Aussi, il est important, pour notre Mouvement, de veiller à privilégier les acquis du multilatéralisme et de la coopération internationale, qui demeurent des cadres efficaces de règlement des multiples foyers de tension dans plusieurs régions du monde.

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Comme vous le savez, mon pays, le Mali ainsi que plusieurs autres États du Sahel, suite à l’intervention militaire de l’OTAN en Libye en 2011, ont été des victimes d’une approche cavalière de défense des intérêts nationaux, en dehors des cadres multilatéraux appropriés et en violation des règles internationales, entrainant une prolifération des activités criminelles des groupes terroristes et autres réseaux du crime organisé. Ces derniers ont semé la mort, la destruction, les violences et les déplacements massifs de populations sans précédent dans une région jadis havre de paix, de stabilité, de vivre-ensemble.

Pour aider à relever ces défis sécuritaires imposés, le Gouvernement du Mali a bénéficié de l’appui de la Communauté internationale, qui s’est entre autres manifestée par le déploiement, en juillet 2013, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA). Après dix ans de présence, les populations du Mali ont réalisé que les interventions militaires étrangères n’ont pas permis d’aider le pays à rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire, ni à lutter contre les groupes terroristes. Au contraire, la situation sécuritaire s’était davantage détériorée, en dépit de la présence de forces internationales.

Tirant les conséquences de cet échec, le Conseil de Sécurité des Nations unies a décidé, par la résolution 2690 du 30 juin 2023, à la demande du Mali, de retirer, sans délai, la MINUSMA à compter du 1er juillet. Le processus de retrait du personnel de la MINUSMA vient de se terminer le 31 décembre 2023 et nous sommes dans la phase de liquidation de la Mission.

C’est l’occasion pour moi, du haut de cette tribune, d’adresser la profonde gratitude du Gouvernement et du peuple du Mali à l’endroit des pays membres du Mouvement des non-alignés pour leur soutien multiforme, notamment humain, financier et matériel à la Mission des Nations unies au Mali.

Certes, la MINUSMA n’a pas été capable de réaliser son mandat, mais le peuple malien sait gré de la présence à ses côtés des États amis. C’est le lieu, au nom du Gouvernement de la République du Mali, de rendre hommage à la mémoire de toutes les victimes, civiles comme militaires, maliennes comme étrangères, tombées au champ d’honneur au Mali.

Je salue le travail accompli par les Casques bleus, venus pour la plupart de pays africains frères et d’autres pays amis du Mali, avec l’intention d’aider mon pays à sortir d’une crise, créée et entretenue. Cette ambition louable des soldats de la paix a hélas été entravée par des acteurs dont l’agenda était tout autre. Il n’est en effet désormais plus un secret que la junte française, aveuglée par les réflexes coloniaux, demeure le principal promoteur du terrorisme dans le Sahel. A cet égard, le Mali réitère sa demande du 15 août 2022, sollicitant la tenue d’une session spéciale du Conseil de Sécurité des Nations unies, en vue de présenter les preuves irréfutables de l’implication de ce pays dans la promotion du terrorisme.

A ce jour, l’Armée malienne a récupéré et occupé, conformément aux normes nationales et internationales en vigueur, les camps et autres emprises précédemment occupés par la MINUSMA, malgré les attaques des groupes terroristes et de certains groupes armés signataires de l’Accord, mais qui se sont mués en acteurs terroristes.

Avec le retrait de la MINUSMA, les Forces armées maliennes ont accentué leur action en vue du renforcement de la présence et de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, comme l’illustre le retour de l’Armée malienne, à Kidal, ville et région symbole, le 14 novembre 2023, en dépit du scénario catastrophe que prédisaient, voire souhaitaient, certains États.

Sous l’impulsion du Chef de l’État, le Gouvernement du Mali continue de consentir des efforts importants pour renforcer les capacités opérationnelles des Forces maliennes, en vue du retour complet de l’Administration et des services sociaux de base, pour le bonheur des populations qui ont souffert le martyr pendant plus d’une décennie d’occupation terroriste.

Conscient que la seule réponse sécuritaire ne saurait suffire, le Gouvernement a entamé la mise en œuvre d’une stratégie globale.

En effet, le peuple malien dans toute sa diversité, lassé des crises multiformes à répétition, a décidé, lors des Assises Nationales de la Refondation tenues en décembre 2021, de donner mandat à ses nouveaux dirigeants d’entreprendre de profondes réformes pour l’avènement d’un Mali nouveau, résolument souverain et ancré dans une gouvernance vertueuse. Depuis lors, les réformes politiques et institutionnelles réalisées, dans les domaines électoraux, de l’administration du territoire, du secteur minier, de la justice, de la lutte contre la corruption, du dialogue social, entre autres, ont culminé avec l’adoption d’une nouvelle Constitution, le 22 juillet 2023, consacrant l’avènement de la IVème République.

Cette stratégie globale prévoit également des solutions politiques endogènes à certaines dimensions de la crise, faites de dialogue et d’appropriation nationale, y compris la prise en compte du bien-être de nos populations, notamment les femmes et les jeunes, afin de soustraire cette couche vulnérable de notre société de l’influence des groupes terroristes et des narcotrafiquants.

A cet égard, le Président de la Transition a annoncé, dans son adresse à la Nation à l’occasion du nouvel an, « avoir pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix, en donnant toutes ses chances à un dialogue direct inter-malien, afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires ».

Cette approche malienne fait suite à des approches similaires qui ont eu des résultats probants en Afrique. On peut citer la Commission vérité et réconciliation en Afrique du Sud pour soigner les plaies de l’apartheid, sans influence extérieure, ou encore la concorde civile, puis la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en Algérie, sans influence extérieure, pour résoudre une décennie de terrorisme. Autrement dit, dans un adage de chez nous, « le linge sale se lave en famille » et c’est mieux ainsi.

Tous ces efforts, faut-il le rappeler, concourent à la réalisation de notre objectif ultime qui est le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé.

Partant du principe que nul peut aimer le Mali plus que les Maliens, le Gouvernement est pleinement engagé dans la mise en œuvre de solutions endogènes, issues de la volonté, des attentes et des besoins de nos populations. Par conséquent, nous rejetons d’office les remèdes imposés ou importés et contre-productifs.

A cet égard, je réitère avec force : le Mali s’oppose à toutes les formes d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des États.

Dans la même veine, le Mali dénonce toutes les autres mesures coercitives unilatérales dont souffrent plusieurs pays de notre organisation commune, à l’instar des sanctions illégales, inhumaines et illégitimes que l’UEMOA et la CEDEAO ont prises contre le Mali, ensuite le Burkina et présentement le Niger, alors qu’elles ont été impuissantes à aider substantiellement ces trois pays dans la lutte contre la menace terroriste.

La crise au Sahel a une dimension régionale, qui impose une coopération accrue des Etats concernés pour faire face à nos défis communs de sécurité et de développement. C’est la raison pour laquelle le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger ont adopté, le 16 septembre 2023, la Charte du Liptako-Gourma établissant l’Alliance des États du Sahel (AES).

Cette organisation vise à établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle, en vue notamment de lutter plus efficacement contre les groupes terroristes, mais également de promouvoir le développement des trois États au profit de nos populations et de favoriser la coordination de nos actions politiques et diplomatiques.

La délégation malienne a effectué un vol d’environ 06 h de temps sans escale, pour honorer l’invitation qui nous a été adressée par Votre Auguste personne. Ceci dénote également du profond respect de S.E. le Colonel Assimi GOITA à votre endroit.

Il est de mon devoir d’appeler Votre haute attention sur une entorse grave à l’usage diplomatique dont nous avons été l’objet. En effet, en réaction au projet de document final, notre Ministre des Affaires Étrangères a formulé des amendements, qui ont été refusés par je ne sais qui, et au nom de je ne sais quoi. Malgré sa vive protestation lors de la conférence des Ministres des Affaires Étrangères, la situation ne semble pas avoir évolué.

Il est toujours utile de rappeler que le sommet des non-alignés a un A.D.N qui lui est propre, cette particularité explique son succès et sa longévité, malgré les tensions politiques.

Rejeter les amendements d’un État membre sur un sujet qui concerne d’abord et avant tout cet État lui-même est un fait suffisamment grave, qui alerte sur le danger qui guette notre organisation commune face aux velléités d’un pays d’imposer son agenda et s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres États.

Le Chef de l’État du Mali que j’ai l’honneur de représenter ici, ne le comprendrait pas, le peuple malien dont nous défendons les intérêts vitaux, ne le comprendrait pas non plus. Cet incident de parcours est d’autant plus incongru que nous nous trouvons en terre africaine d’Ouganda, l’un des symboles forts de l’émancipation africaine et de la défense de la souveraineté nationale, avec la figure emblématique qu’incarne le Président Museveni en Afrique et dans le monde.

Par conséquent, à défaut de prendre en compte les amendements du Mali, tels que proposés par notre Ministre des Affaires Étrangères, le Mali se dissocie totalement de la rédaction proposée et exige un retrait pur et simple du chapitre qui lui est consacré dans le projet de document final sur les résultats du Sommet de Kampala.

A l’avenir, il est important de revoir le fonctionnement de notre Mouvement, pour plusieurs raisons : lorsqu’un chapitre porte sur un État membre, il est important d’obtenir par écrit le consentement de l’État, ainsi que le pays qui est à l’origine du projet de chapitre. Les règles et les procédures ne peuvent pas être plus importantes que la souveraineté des États membres. Sans changement de ces règles, il y a une forte probabilité de raser la tête d’un État membre en son absence et sans son consentement, ce qui ressemble à de la sorcellerie.

Je tiens à réaffirmer que le Gouvernement du Mali reste disposé à coopérer avec les pays et les organisations internationales qui le souhaitent, en suivant les trois principes guidant l’action publique au Mali et édictés par Son Excellence Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’État, à savoir : le respect de notre souveraineté ; le respect de nos choix de partenaires et nos choix stratégiques ; ainsi que la prise en compte des intérêts vitaux du peuple malien dans toutes les décisions.

Pour conclure, je réitère l’attachement du Mali au respect des valeurs et des objectifs du Mouvement des non-alignés, en cohérence avec les principes qui guident l’action publique au Mali. »

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