Après presque deux mois sous embargo, le Mali tient toujours debout et essaie de diversifier ses partenaires pour encaisser les effets néfastes qui découlent de son isolement sur la scène sous régionale.
Le 9 janvier, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont rudement sanctionné le projet des colonels maliens de prolonger la transition engagée en août 2020. Les frontières du Mali sont depuis fermées avec les 14 autres États de la Cedeao, sauf la Guinée Conakry, où les colonels au pouvoir se sont solidarisés avec leurs collègues maliens. Les échanges commerciaux et financiers sont suspendus, hormis les produits de première nécessité avec les pays de la CEDEAO.
Selon le calcul de la Cedeao et de l’UEMOA, l’embargo avait pour but de forcer les autorités de la transition à soumettre un calendrier acceptable de retour des civils au pouvoir. Le Mali, dépourvu d’accès à la mer, importe 70 % des denrées consommées quotidiennement par ses habitants, selon l’ONU. Et le lien aujourd’hui restreint avec le Sénégal (plus de 20 % des importations maliennes proviennent du Sénégal et 80 % de son fret passe par Dakar) ou la Côte d’Ivoire demeure vital. Seuls trois pays frontaliers ont maintenu leurs frontières ouvertes, la Mauritanie, l’Algérie et la Guinée Conakry. A un peu moins de 2 mois, si les premiers signaux d’alerte sont là, les autorités dominées par les militaires semblent faire front et prennent le problème à bras le corps.
L’application immédiate de ces sanctions, dès le 9 janvier, a tout d’abord eu un fort impact dans le domaine des transports, car de nombreuses commandes en cours d’acheminement se sont retrouvées bloquées, notamment sur l’axe Dakar-Bamako, l’une des principales routes d’approvisionnement du Mali. Mais le voyant le plus visible s’est peut-être allumé fin janvier quand le Mali s’est retrouvé dans l’incapacité d’honorer des remboursements de plus de 30 millions de dollars empruntés sur le marché ouest-africain.
« À cause des restrictions et malgré des avoirs suffisants du Trésor public du Mali dans ses livres, la banque centrale (des États de l’Afrique de l’Ouest, BCEAO) n’a pas procédé au règlement de l’échéance du 28 janvier 2022 », a indiqué le ministre de l’Économie et des Finances Alousséni Sanou. Le Mali « a toujours honoré ses engagements sur le marché financier et tient à rassurer les investisseurs de sa volonté et de sa capacité à faire face à ses engagements ». Le gouvernement a directement accusé la BCEAO d’avoir violé ses statuts en appliquant les sanctions financières décidées par les organisations régionales contre la junte au pouvoir à Bamako.
Ce n’est pas la première fois que le Mali fait l’objet de sanctions économiques. Une décision analogue avait été prise courant août-septembre 2020, à la suite du premier coup d’État mené par le colonel Assimi Goïta. Les conséquences avaient lourdement pesé sur le pays, le privant de ses exportations, et donc de revenus en devises.
Pour autant, l’état des caisses pour payer les fonctionnaires ou les dépenses de fonctionnement, par exemple, n’est connu que de certains services de l’État. Et les experts locaux se montrent très discrets sur ce sujet sensible. Dans un entretien téléphonique qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête, le président ivoirien Alassane Ouattara et l’ancien premier ministre malien Boubou Cissé avaient tous deux affirmé que l’économie malienne serait en ruine et d’ajouter que l’inexpérience des colonel aujourd’hui au pouvoir conduira le Mali droit dans le mur.
Pour contrer toute flambée de prix au Mali, les autorités ont plafonné les prix des produits subventionnés. Lors de plusieurs descentes sur le terrain, le ministre de l’industrie et du commerce a constaté de visu la stabilité des prix des denrées sur les marchés et surtout sur le stock disponible. « Les stocks de denrées de première nécessité sont suffisants, largement suffisants », assure à ce stade Mahmoud Ould Mohamed. L’Union nationale des travailleurs du Mali, centrale syndicale, s’en est pris dans un communiqué à la « hargne de certains compatriotes de s’enrichir sur les malheurs des populations ». Une preuve de solidarité de cette centrale envers la transition.
Sur le terrain des négociations, vendredi 25 février, le médiateur de la Cedeao avait effectué une visite à Bamako pour relancer le dialogue avec les autorités maliennes. Cependant, aucun accord ne semble être trouvé après les entretiens. Un bras de fer qui se poursuit toujours. Toutefois, la nécessité d’aboutir sur un accord semble incontournable pour permettre au Mali de sortir de son isolement et renouer avec ses voisins de la sous-région. Cela occasionnera la levée des sanctions et des gels des actifs maliens sur les marchés et permettra au pays de souffler.
Ahmadou Sékou Kanta