Face aux multiples défis liés à la nutrition au Mali, dont les conséquences peuvent être la pneumonie, mais aussi à la couverture sanitaire universelle, Dr. Yacouba Koné, actuellement responsable du financement de la santé, de l'engagement du secteur privé et de la coordination des donateurs à l'USAID, a appelé l’Etat à « garantir la sécurité nutritionnelle » et « l'accès aux soins de santé pour tous les Maliens ».
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Système sanitaire malien en ce XXIème siècle : Dr Yacouba Koné dénonce la Loi Jules Ferry

Le système de santé malien est actuellement sous le feu des critiques, notamment de la part du Dr Yacouba Koné, expert en santé et responsable du financement de la santé, de l’engagement du secteur privé et de la coordination des donateurs à l’USAID. Le médecin de formation a récemment exprimé son inquiétude quant à l’adéquation entre la formation médicale dispensée au Mali et les besoins réels du pays au 21ème siècle.

Selon Dr Yacouba Koné, l’éducation médicale au Mali est régie par la Loi Jules Ferry, une loi datant du 19ème siècle, qui ne prend pas en compte les défis contemporains auxquels fait face le système de santé du pays.

À suivre les explications données par Dr Koné, le constat est alarmant : la qualité du service distribué dans les centres de santé maliens laisse parfois à désirer, les services ne répondent pas aux attentes des populations, et les jeunes médecins semblent manquer de compétences nécessaires pour faire face aux problèmes actuels de santé.

Dans la même veine, le problème majeur pointé du doigt par Dr Yacouba Koné est le manque de pratique dans la formation médicale au Mali. Trop axée sur la théorie, cette formation laisse les futurs médecins indécis et lorsqu’ils se retrouvent sur le terrain. « On nous apprend à être généralistes dans ce monde aujourd’hui mondialisé, un généraliste fait quoi ? C’est la base même de la formation qu’il faut questionner », tranche-t-il. Avant d’interroger : « Devons-nous continuer à être comme çà ? »

Comparant le système malien à celui des anglophones, où les étudiants acquièrent de l’expérience pratique à la formation, Dr Koné souligne l’importance de l’apprentissage dans et par la pratique. C’est aussi pourquoi, il estime qu’il est temps de repenser le système éducatif médical malien afin de permettre aux futurs médecins de développer des compétences pratiques qui les rendront opérationnels dès leur sortie de l’université pour le terrain.

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Un autre aspect soulevé par Dr Koné est la nécessité de former les médecins en fonction des besoins spécifiques du pays. Actuellement, tous les étudiants suivent une formation généraliste, alors que certaines régions ont un besoin urgent de spécialistes en santé communautaire.

« Dans certains pays, témoigne-t-il, une fois que vous atteignez la cinquième (5ème) année, vous avez le choix entre une branche sur deux. Celle de ceux qui veulent être des hospitaliers et celle de ceux qui veulent être spécialisés en santé communautaire. Ensuite, on ajoute toutes ces formations à la formation de médecin traitant pour les rendre vraiment opérationnels. Par exemple, au Bénin, c’est comme ça. À l’Université de Parakou, il y a deux (2) spécialités : si vous voulez être clinicien, vous suivez une filière à partir de la cinquième (5ème) année. Si vous voulez faire de la santé communautaire, vous suivez une autre branche, et après sept (7) ans, vous obtenez tous un doctorat d’État. » Ce qui permet de mieux répondre aux besoins spécifiques du système de santé, explicite Dr Koné.

Dr Yacouba Koné déplore également le manque de formation en gestion des structures de santé. Selon lui, pour être un médecin de Centre de Santé Communautaire (CSCOM), il faut être non seulement un bon clinicien mais aussi un bon gestionnaire. « Pour être médecin dans un CSCOM, vous devez remplir trois (3) fonctions essentielles : être un bon clinicien (là, nous apprenons) ; être un bon gestionnaire d’une structure de santé (là, nous n’apprenons pas). Dans un centre de santé communautaire, la gestion est primordiale. Il faut veiller à ce que le centre génère des résultats positifs pour pouvoir s’autofinancer. Cependant, aujourd’hui, toutes nos structures communautaires sont subventionnées, voire perfusées, et de facto, vous vous retrouvez conseiller du Maire si vous travaillez dans une commune rurale ; vous devez élaborer un plan de développement sanitaire sans problème de santé publique pour pouvoir concilier l’hygiène, l’assainissement, le dérèglement climatique, la malnutrition, les maladies non transmissibles, les maladies tropicales négligées et aussi le financement de la santé, sinon vous ne vous en sortirez pas. Nous devons encore nous asseoir et enseigner tout cela aux gens », a-t-il longuement expliqué. Une dimension très souvent négligée dans la formation actuelle, alors que la gestion efficace des centres de santé est cruciale pour leur succès et leur autonomie financière.

Le système sanitaire malien est confronté à de sérieux défis, et la Loi Jules Ferry datant du 19ème siècle, est inadaptée aux besoins du moment. Il est temps de repenser la formation médicale au Mali, en mettant l’accent sur la pratique, en offrant des spécialisations appropriées aux étudiants, et en incluant une formation solide en gestion des structures de santé. Une réforme éducative dans le domaine de la santé est nécessaire pour que le Mali puisse disposer de médecins compétents et capables de faire face aux défis de l’heure et de ceux du futur.

Entretien réalisé par Cyril Adohoun

Le Soft

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