En publiant un communiqué mettant en cause le processus électoral lors de la présidentielle togolaise, les Etats-Unis sont-ils en train de tenter de s’ingérer dans la vie politique au Togo ? |
C’est un communiqué qui a fait parler de lui avant même sa publication sur les réseaux sociaux. Ce mercredi, vers 17 heures, un document estampillé par l’ambassade américaine au Togo circule sur les réseaux sociaux. Tout en félicitant le Togo, les autorités américaines recommandent à la CENI, la Commission électorale nationale indépendante, la publication ville par ville des résultats de l’élection présidentielle qui a vu gagner Faure Gnassingbé de façon nette.
Le communiqué circule avant tout chez les opposants, via notamment des groupes WhatsApp, et sort une première fois sur un obscur site d’informations, Horizon-News.
Un communiqué contraire à la loi électorale togolaise
Mais entre 17 heures et 21 heures, l’authenticité du document n’est pas établie. Le communiqué est relayé sans être toutefois officialisé par l’ambassade américaine. Un timing étonnant. Mais dans la soirée, donc, l’ambassade américaine finit par publier ce communiqué sur ses comptes officiels, à l’avant-veille d’une manifestation organisée par Agbéyomé Kodjo pour contester les résultats de la présidentielle.
Dans le communiqué, les Etats-Unis demandent à la CENI de travailler « de manière constructive avec toutes les parties pour traiter toute réclamation concernant toutes irrégularités constatées le jour du scrutin ».
Le communiqué américain ressemble fort à une réponse à l’expulsion des membres du National Democratic Institute (NDI). Il y a quelques jours, des activistes de cette ONG, outil bien connu de la politique de lobbying américaine, avaient en effet dû rebrousser chemin après avoir omis de prévenir la CENI de leur présence au Togo.
Les Etats-Unis y voient une « décision décevante » de la commission électorale et insiste sur la neutralité de l’ONG, financée par George Soros et dont un des membres avaient appelé à voter… Agbéyomé Kodjo.
Les USA s’attaquent à l’UA et à la CEDEAO
La sortie américaine est également étonnante de maladresse. De nombreux observateurs, notamment de l’Union africaine et de la CEDEAO, ont souligné la bonne organisation du scrutin. Les résultats, bureau de vote par bureau de vote — on en dénombre 9 000, dont la publication est réclamée par l’ambassade américaine, sont disponibles et chaque candidat peut y accéder.
La loi, elle, ne prévoit pas leur publication. Les Etats-Unis semblent peu au fait de la loi électorale togolaise lorsqu’ils demandent à la CENI d’étudier les recours des perdants, là où c’est à la Cour constitutionnelle de statuer.
Enfin, les Etats-Unis font, pour la première fois, cavalier seul. Habitués à communiquer de façon conjointe avec l’Union européenne, les Nations Unies et les ambassades de France et d’Allemagne, l’ambassade américaine semble avoir pris de court ses partenaires.
L’affaire NDI avait laissé préfigurer une tentative d’ingérence américaine au Togo. Le communiqué de mercredi soir montre que l’Oncle Sam a du mal à laisser au Togo toute la souveraineté qu’il réclame. Une partie des Togolais y voient une tentative de créer des tensions post-électorales après un scrutin pourtant apaisé.
Une action isolée de l’ambassadeur américain à Lomé ?
Reste désormais à percer le mystère de ce communiqué. Le timing de la sortie, en amont, sur les groupes WhatsApp avant toute publication officielle, montre en effet une certaine dose d’amateurisme de la part de l’initiateur du document.
L’ambassadeur américain à Lomé pourrait bien, sur ce coup, avoir fait cavalier seul : Eric Stromayer n’a pas digéré l’expulsion des membres du NDI et l’a fait savoir à Washington.
Dans son communiqué, l’ambassade US affirme d’ailleurs vouloir poursuivre son partenariat privilégié avec le gouvernement togolais. Mais Eric Stromayer n’a-t-il pas commis un excès de zèle en demandant une publication non prévue par la loi électorale des résultats des différents bureaux de vote ?
La Revue de l’Afrique