NOTRE CHEF DE GUERRE a ordonné à l’Etat-major des armées de préparer une grande opération antiterroriste durant la campagne électorale du président malien. Et il veut la voir menée, avec l’appui des forces françaises, par les militaires du G5 Sahel- cette coalition africaine constituée à sa demande, en 2017. Mais ce parrainage élyséen- un avatar de l’ex-Françafrique- n’est pas une assurance tous risque. Considérés par leurs collègues français comme militaires d’occasion, venus du Niger, du Burkina, de la Mauritanie, du Mali et du Tchad, ces soldats ne sont en rien des foudres de guerre (sauf les tchadiens).
A l’origine, ce G5 Sahel, qui prévoyait d’engager plusieurs contingents africains combattre les terroristes d’Al Quida et de Daech, n’était pas une idée aberrante. Mais en principe seulement, car le Président n’avait tenu aucun compte des réalités locales ni des inquiétudes de certains chefs militaires. Et son projet s’est vite révélé tenir de l’illusion, pour trois raisons.
Et d’une : Les effectifs prévus pour le G5 Sahel-5000 hommes-sont encore très loin d’être atteints, après dix-huit mois de préparation. Et de deux : le financement de cette force-environ 450 millions d’euros par ans- est seulement acquis pour 2018. Et de trois : la formation de ces recrues au combat est très insuffisante. De même pour la délicate coordination, en opération, de ces militaires de nationalités différentes.
Victoire annoncée
Autre incohérence du plan élyséen : le Président malien, Ibrahim Boubacar Keita (IBK), qui est candidat à un nouveau mandat, mérite-t-il que l’armée française participe à sa campagne électorale ? Rien n’est moins sûr, et les commentaires désabusés sont révélateurs, à la direction Afrique du Quai d’Orsay. Du genre : « On ne veut pas d’IBK, mais c’est lui qui sera élu. » Conclusion : une élection présidentielle mal foutue, avec distribution des cartes d’électeur « à l’africaine », quand on le peut, par exemple, dans le centre du Mali, où les attentats sont souvent quotidiens, etc.
Et, si les observateurs que l’Europe veut, en principe, envoyer en juillet pour contrôler le scrutin pourront pénétrer dans les divers bureaux de vote, ils n’auront pas accès au lieu où, à Bamako, s’effectuera la centralisation des résultats et le choix du vainqueur. Aucun observateur français n’est annoncé sur place, et l’on comprend la raison d’une pareille prudence.
Dernière nouvelles de ce front antiterroriste : quelques éléments de l’ »Eurocorps »- constitué de militaires allemands, britanniques, italiens, espagnols et français seront envoyés au Sahel dans les prochains mois. Le nombre de ces combattants n’est pas précisé, mais la décision de principe a été prise le 5 mai, à Sofia, lors de la Défense. Un engagement qualifié de « test », et ce sera la première participation aux combats de soldats européens.
La France, quant à elle, se veut toujours amicale et généreuse avec Idriss Déby, installé à la présidence du Tchad en décembre 1990 par les services de renseignements français, et incontrôlable dictateur depuis vingt-huit ans.
Le 7 mai, son armée, membre du G5 Sahel, a reçu en cadeau 200 mortiers, 200 paires de jumelles de visions nocturnes, 200 gilets pare-balles et 200 casques, en présence de l’ambassadeur de France. Et, bientôt, Jean Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, ne manquera pas de s’arrêter au Tchad avant de rejoindre l’Ethiopie et le siège de l’Union africaine. On espère qu’il aura beau temps et qu’Idriss Déby se montrera aimable, sinon reconnaissant.
Claude Angeli
Source:Le Canard enchaîné ( du 23 mai 2018)