Alors qu’on s’attendait à un véritable jeu démocratique durant cette campagne référendaire, la classe politique malienne se range derrière le »Oui » sans avoir été draguée. Un mariage contre-nature quand on sait qu’il s’agit pour cette classe politique aux pantalons troués, de pousser les militaires à mettre un pied dans le chronogramme qu’ils ont eux-mêmes proposé.
Sans surprise le OUI a explosé bien avant l’ouverture officielle de la campagne depuis la vulgarisation . Une situation qui renforce les 5 colonels en mesure d’œuvrer dans un contexte de consensus. Pourtant, les calculs politiques sont nombreux avec le plan référendaire en cours et surprennent l’opinion.
D’une part, les acteurs politiques ralliant le OUI des dernières semaines savent qu’en s’alliant au projet de référendum, ils mettent la pression sur le régime. La communauté internationale voyant leur implication, cela ne peut que pousser la team de Kati à appliquer le chronogramme électoral qui s’est passé des communales : les maires sont maintenus jusqu’au retour à l’ordre municipal.
D’autre part, certains leaders ont des dossiers pendant à la justice, ce qui explique leur attitude. C’est le cas d’un ancien président de l’assemblée perdu des radars depuis la chute du pouvoir, qui était récemment sous les projecteurs avec une écharpe jaune/vert pour dire OUI.
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Tout avis favorable au référendum permet à ces soutiens loin d’être venus de nulle part d’éloigner leur tête de l’épée de Damocles. À un moment où beaucoup espèrent revenir aux affaires, voire occuper un poste électif, mieux vaut être prudent : être affiché NON ne peut que porter préjudice à la longue.
Il ne faut nullement ommetre le silence de certains sur les empoignades politiques afin de bien paraître vaille que vaille. Plusieurs partis ont été approchés pour faire le gouvernement censé voir le jour après le référendum. Avec les CV déjà dans le circuit, mieux vaut faire les yeux doux aux futurs employeurs. L’abstention est donc de mise et le griostime est prôné pour multiplier les chances d’intégrer la cité administrative.
Enfin, on a l’opposition qui a fini par couler avec l’émiettement du cadre des formations politiques où la CODEM reste la seule formation à jouer son rôle: prôner le NON. La majeure partie des membres a déserté les rangs depuis la finalisation du projet de constitution. Il faut rappeler que beaucoup étaient dans le comité qui a mis à disposition le texte au coeur de la campagne. À l’heure du OUI, beaucoup n’ont pas hésité à donner leur bénédiction à un projet auquel ils furent partie prenante. C’est le cas de l’ancien ministre Amadou Koïta dont le PS Yelen Kura est bel et bien favorable à abroger la constitution de 1992.
Même le RPM qui fut renversé en août 2020, dont le père fondateur échoua à réviser la constitution est dans la danse. De quelques sections de l’intérieur à la commune 6, presque tous les barons se disent partant au processus référendaire. Le président Bokary Treta qui a du mal à manager ce parti dont les divisions continuent d’être visibles, est mis en minorité. S’il vient de publier un communiqué indiquant n’avoir donné aucune consigne, la famille des tisserands à déjà tranché. Les choses seront plus simples pour les partisans du référendum car le justice vient de le débouter définitivement, le démettant de son poste de président qu’il occupait depuis 2016.
L’opposition a donc rallié le régime en place et met à nu une transhumance des paradoxes. Beaucoup avaient juré secouer les militaires aux affaires durant la transition sans les soutenir dans quoi que ce soit. Autrement dit , il ne faut rien cautionner des putschistes exception faite de la seule présidentielle.
Il est clair que la population saura sévir par les votes sanctions au moment des élections locales et parlementaires. Reste à savoir si le cadre des formations politiques se remettra de cette saignée alors que l’appel du 20 février agit en rangs unis pour une victoire du NON (qui semble difficile à atteindre).
Idrissa KEITA