EDITO

Ligne de force : Minimum de consensus

En demandant à Soumaïla Cissé de le rencontrer dans ses quartiers pour échanger sur les réformes politiques et institutionnelles (système électoral et découpage territorial) envisagées par son gouvernement, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga est entièrement dans son rôle : il veut éviter au Mali, au terme des six mois de prorogation du mandat parlementaire (30 juin 2019) de se retrouver sans Assemblée nationale.
Une situation qui, si elle venait à se produire, déboucherait, dans une hypothèse optimiste, sur une troisième transition (le pays a connu sa première du genre en mars 1991 et la deuxième en avril 2012). Avec au bout des élections générales (présidentielle et législatives)
Ces consultations consacreraient la mise à mort de la réputation de ” démocratie émergente ” qui a contribué au rayonnement du Mali, un certain temps, à l’échelle africaine voire internationale.
Le rejet de son offre de dialogue par le président de l’URD et tout aussi chef de file de l’opposition est compréhensible : il s’est autoproclamé ” président de la République élu ” au sortir de la présidentielle de juillet-août passés et garde l’espoir que la Cour de Justice de la CEDEAO qu’il a saisie (en même temps qu’une dizaine d’autres candidats) à défaut de le reconnaître comme vainqueur du scrutin le plus disputé à ce jour de l’ère démocratique malienne, prononcera son annulation. Ce qui devrait entraînera l’organisation d’une nouvelle présidentielle qu’il espère remporter haut la main face à un IBK dévasté par la défaite judiciaire. A supposer qu’il ait assez de ressource morale pour se représenter.
Pour autant Soumeylou Boubèye Maïga ne jettera probablement pas le manche après la cognée. Depuis une trentaine d’années qu’il arpente les allées du pouvoir, il s’est familiarisé avec l’idée que la politique n’est pas un long fleuve tranquille, qu’elle est faite de succès et d’échecs, d’avancées et de reculs. Il poursuivra donc la quête  de dialogue qui l’a déjà conduit auprès de l’EMP (majorité présidentielle) des FARE Anka Wili, du CNID, de la CODEM, des APM, de l’ADP-Maliba, de la Plateforme pour le Changement (Oppositions) du CREC (Société civile) vers autres acteurs politiques et sociaux.
Avec cette conviction : réaliser un large consensus autour des questions électorales et du remodelage territorial dans le contexte actuel du Mali relève de l’impossible. Il s’évertuera donc à rechercher un minimum de consensus lui permettant d’aller au référendum incontournable pour la validation de ce qui sortira des discussions avec les différents acteurs concernés avant son adoption par l’Assemblée nationale.
Soumeylou Boubèye Maïga a sans doute conscience aussi que ce minimum de consensus ne sera obtenu qu’au prix d’importantes concessions faites par le pouvoir relativement au système électoral. Lequel est considéré par quasiment toutes les composantes de l’opposition comme taillé à la mesure des tenants du pouvoir avec le rôle prépondérant qu’y joue le ministère de l’Administration territoriale, le mode de désignation des membres de la Cour constitutionnelle qui fait de cette institution un appendice de l’exécutif, l’inféodation de la Cour Suprême au point d’en faire un simple instrument de confirmation des résultats proclamés par la Cour constitutionnelle.
Toutes choses qui donnent l’impression détestable que les élections au Mali sont assimilables aux courses hippiques : avant le coup de sifflet de départ, le cheval gagnant est connu.
Le premier ministre aura-t-il les coudées franches pour faire ces concessions sans lesquelles la réforme du système électoral devra être remisé au rancart ?
Malgré tout le vacarme qui l’entoure, le projet de découpage territorial devrait lui causer moins de souci : les partisans de sa mise en œuvre sont aussi nombreux que ceux qui voudraient bien le jeter aux orties. En outre, le Premier ministre l’a rappelé devant le CREC, l’actuel gouvernement n’est pas l’initiateur de ce projet dont la création remonte à 2012. Il œuvre à son opérationnalisation après avoir porté à 20 le nombre des régions prévues qui était 19. L’objectif recherché étant de ” rapprocher l’administration aux populations “.

Saouti HAIDARA

Source: L’Indépendant

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