Dans la nuit du 18 au 19 novembre 1968, un putsch se prépare au Mali. Quatorze officiers de l’armée font quadriller Bamako et lorsque la capitale s’éveille aux premières lueurs du jour, le calme règne…
Pendant ce temps Modibo Keïta, le père de l’indépendance, président depuis 1960, fait route vers Bamako où il revient après un voyage en province. En périphérie de la capitale, à une quinzaine de kilomètres du centre, son convoi est stoppé par un barrage.
« Monsieur le président, voulez-vous vous mettre à la disposition de l’armée ? », lui demande alors le lieutenant Tiekoro Bagayoko, un des leaders du putsch. Le président se rend et aux alentours de 11h30, il est amené à bord d’un blindé jusqu’au centre-ville. Les putschistes ont des revendications précises : qu’il renonce au socialisme – prôné depuis l’indépendance – et se sépare de ses principaux collaborateurs.
Réponse négative de Modibo Keïta : « Nous sommes dans un pays de droit et de démocratie. Nous respectons depuis l’indépendance la volonté populaire. C’est le peuple qui a opté pour le socialisme […]. Le socialisme n’est donc pas mon choix à moi tout seul, demandez au peuple ce qu’il en pense. Quant à mes collaborateurs, […] je leur fais confiance. »
Les putschistes menés par le lieutenant Moussa Traoré annoncent alors sur les ondes de Radio – Mali que « l’heure de la liberté a sonné » et que « le régime dictatorial de Modibo Keïta […] a chuté ».
Sans que le sang ne souille la terre malienne, huit ans de régime socialiste s’achèvent ainsi. Peu après, le président déchu est transféré dans un camp militaire à Kidal, dans la région désertique du nord-est. Avec lui, 40 responsables de l’US-RDA (Union soudanaise – Rassemblement démocratique africain) sont également déportés, à Kidal ou à Taoudéni.
Socialiste et autoritaire
C’est Modibo Keïta lui-même qui avait proclamé l’indépendance de la République du Mali, le 22 septembre 1960, suite à l’éclatement de la Fédération du Mali regroupant Sénégal et Mali sous le nom de « Soudan français ».
Proche du Ghanéen Kwame Nkrumah et du Guinéen Sékou Touré, ce fervent panafricain (il est l’un des principaux fondateurs de l’OUA en 1963), apporte également son soutien aux mouvements nationalistes, notamment au FLN.
Progressiste, il se dirige très tôt vers un socialisme teinté d’autoritarisme. En 1966, la création du Comité national de défense de la révolution (CNDR), qui devient de facto parti unique doté des pleins pouvoirs, suspend la Constitution et l’Assemblée nationale. Le régime – « situé parmi les meilleurs, où, si l’on préfère, les moins mauvais [d’Afrique] » écrivait Jeune Afrique en novembre 1968 – souffre de moins en moins la contestation. Et les difficultés économiques s’accumulent. Tant et si bien que le putsch est plutôt bien accueilli par la population malienne.