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Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne : Si proche, mais encore très loin-Bilan des négociations (3ème Partie)

Dr. Mohamed S. Helal, professeur adjoint de droit (Moritz College of law and affiliated), Centre Mershon des Etudes sur la Sécurité Internationale (Université d’Ohio), est actuellement conseillé juridique auprès du Ministère égyptien des Affaires Etrangères.

Dans la troisième et dernière partie de ce bilan, je discuterai des règles du Droit International qui régissent le Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne (GBRE). Ce sont les règles qui s’appliquent entre les trois États riverains (L’Egypte, Ethiopie et le Soudan) à la fois, généralement en ce qui concerne leur exploitation du Nil, et plus particulièrement, en Relation avec  le GBRE.

La loi du barrage

Comme toute question on controverse en Droit international, le GERD est régi par une combinaison de loi spéciale et de la générale. Le plus important des premiers est l’Accord de la déclaration des principes qui a été conclu par les trois pays, le 23 mars 2015. En outre, il existe une série de déclarations et de documents, conjoints et unilatéraux, qui soit, produisent des obligations légales, soit clarifient la portée et le contenu des obligations établies qui lient les parties. La loi générale applicable comprend des règles émanant du Droit international conventionnel et coutumier. Les traités bilatéraux préexistants entre l’Egypte et l’Ethiopie d’une part, et entre l’Egypte et le Soudan d’autre part, fournissent des règles générales qui continuent de régir leurs relations riveraines, tandis que les règles costumières tant de La loi Internationale de l’évènement, bien sûr, de la loi des exploitations non navigables  des cours d’eau  internationaux,  continuent d’être pertinentes et applicables.

Évidemment, ce n’est pas ici le lieu convenable pour de se plonger dans le débat jurisprudentiel sur l’interaction entre la loi spéciale et la loi générale (si, comme moi, c’est un sujet qui vous intéresse, je vous recommande de lire cette pièce : « Of Planets   and   thé   Universe:   Self-contained  Régimes   in International Law  »   by Bruno Simma and Dirk Pulkowski, que je ne me lasse pas de relire). Cependant, il suffit de dire que la loi spéciale et la loi générale sont souvent enfermées dans une relation organique d’interdépendance symbiotique:

alors que la loi spéciale fournit les règles principalement applicables, la loi générale interviendra souvent pour combler les lacunes non corrigées par la première. La loi générale constitue, également, l’univers des règles d’arrière- plan qui donnent une direction normative à la loi spéciale, tout en aidant à appliquer et à interpréter ces règles contextuelles. En tannt que tel, lors de l’examen de la loi du GBRE, nous devons examiner la loi spéciale applicable à la lumière de la loi générale établie, et appliquer la première sans abandonner la seconde.

L’Accord de 2015 de la Déclaration de Principes

Ladite Déclaration des Principes comprend dix dispositions. Elle indique que «le but du GBRE est de produire de l’énergie électrique», et affirme l’engagement des trois pays à l’égard des deux principes cardinaux de la loi relative aux exploitations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation: le principe d’une exploitation équitable et raisonnable, et celui de l’obligation de ne pas causer de dommages importants. Il réaffirme des principes généraux, presque exhortatif, tels que l’égalité souveraine, l’intégrité territoriale et le renforcement de la confiance, et souligne le

Devoir de coopérer d’une manière mutuellement avantageuse. Il indique également que l’Ethiopie «poursuivra la pleine mise en œuvre des recommandations de sécurité des barrages» de du Groupe International d’Experts (voir la 1ère partie de ce bilan).

Bilan des négociations sur le Grand Barrage de la renaissance de l’Ethiopie(GBRE): Si proche, mais encore très loin (1er Partie)

La disposition centrale de la Déclaration des Principes-qui représente, en effet, son épine dorsale- est l’article cinq, II engage les trois pays à «mettre en œuvre les recommandations du Groupe international d’experts, à respecter les conclusions du rapport final du Comité national triparti te (CNT) sur les études conjointes recommandées par le rapport final du Groupe International d’experts, durant les différentes étapes du projet, » II stipule également que «les trois pays, dans un esprit de coopération, utiliseront les conclusions des études conjointes, qui seront menées conformément aux recommandation du  rapport du Groupe international d’experts et convenues par le CNT, dont les suivantes :

  1. a) S’accorder sur les lignes directrices et les règles du premier remplissage du GBRE, qui couvriront, tous les différents scénarios, en parallèle avec la construction de ce barrage.
  2. b) S’accorder sur les lignes directrices et les règles du fonctionnement annuel du GBRE, que le propriétaire du barrage peut ajuster de temps à autre.
  3. c) Informer les pays en aval de toute circonstance Imprévue ou urgente nécessitant des ajustements dans le fonctionnement du GBRE.
  4. d) Pour maintenir la coopération et la coordination sur le fonctionnement annuel du GBR.B avec les R2SERVOIRS EN en aval, les trois pays- par le biais  de  leurs ministères Responsables de l’eau- mettront en place un mécanisme de coordination approprie entre eux, – le délai pour mener le processus susmentionné sera de 15 mois à compter du début des deux, études recommandées par le Groupe International d’Experts.

Dans un souci de clarté, les obligations générées par l’article cinq, reflétant l’objet et le but de la Déclaration des Principes, peuvent être résumées comme suit :

Premièrement: Réaffirmer l’obligation de mettre en œuvre les études recommandées par le Groupe International d’Experts.

Deuxièmement: Utiliser les études du Groupe international d’Expert dans les négociations portant sur le remplissage et le fonctionnement du GBRE.

Troisièmement: S’accorder des «directives et règles» pour régir le premier remplissage et le fonctionnement annuel du GBRE.

Quatrièmement: permettre la construction du GBRE pendant que des négociations sur les « Directives et règles » régissant le remplissage et le fonctionnement du GERD sont en cours.

Cinquièmement: Fixer   un   délai   de   quinze   mois   pour l’ensemble du processus.

S’agissant de la portée et de l’impact de ladite Déclaration des Principes sur la loi générale régissant l’exploitation du Nil, ils s’avèrent limités. Certains auteurs ont fait valoir que cette Déclaration a copié tous les accords antérieurs relatifs à l’exploitation des eaux du Nil. Par exemple, Salrnan M. A., Saîmnn- un grand connaisseur du dossier a écrit, dans son livre intitulé de la déclaration de principe sue le GBRE : Niveler le terrain de jeu du bassin du Nil » (P. 69 70, que ‘’ladite Déclaration de principes a marqué l’émergence d’un nouvel ordre juridique ….remplaçant, à tous les niveaux pratiques et juridique, le traité de 1902 et l’Accord sur les eaux du Nil de 1959.

A mon avis, c’est incorrect. La déclaration des principes est un traité exceptionnellement étroit. Elle s’applique à un seul projet entrepris par un seul Etat riverain sur un seul s’affluent du Nil. Il n’est pas pertinent, par exemple pour me Nil blanc, ni pour les fleuves Atbara ou Sobat. Ce n’est pas un accord de répartition de l’eau, ne règlement d’autre prélèvement d’eau par l’Egypte, le Soudan et l’Egypte. Il s’agit simplement d’un accord sur le remplissage et le fonctionnement du GBRE sur la base du principe de l’obligation de ne pas causer de préjudice significatif, et ce, à la lumière du rapport du Groupe International d’Experts et le contenu des études qu’il a recommandées.

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Par conséquent, si et quand un accord global sur le remplissage et le fonctionnement du GBRE entre en vigueur, cette Déclaration de principes aura épuisé son objectif et son but, et sera relégué au statut de produit juridique artisanal. A ce titre, les traités bilatéraux plus anciens et plus larges qui ont été conclus entre les trois pays pour réglementer leur exploitation des eaux du Nil seront toujours en vigueur. Par exemple, le cadre de 1993 pour la coopération générale entre l’Egypte et l’Ethiopie et le Soudan, tous deux resteront valable et contraignes dans les relations bilatérales entre les trois pays.

Si un accord sur le remplissage et le fonctionnement du GBRE est conclus, ces anciens accords relevant de la loi générale s’appliqueront dans la mesure où ils ne sont pas remplacés par un accord sur le remplissage et le fonctionnement du GBRE, tandis que si nous ne parvenons pas à un accord sur ledit barrage, ces lois générales resteront en vigueur et applicables entre les trois pays.

Remplir ou ne pas remplir : le spectre de l’unilatéralisme

L’Ethiopie a annoncé qu’elle commencerait le remplissage du GRRE au cours de l’été 2020, tout en affirmant qu’elle avait le droit de commencer le remplissage du barrage sans raccord de ses co-riverains en aval. Ainsi a fait-elle- valoir que la Déclaration des Principes permette, ou du moins n’interdise pas, le remplissage unilatéral du Grand Barrage. On a également prétexté- comme l’a soutenu un universitaire éthiopien-que «  la Déclaration de principes stipule seulement que les trois pays utiliseront des études pour se mettre d’accord sur le premier remplissage et le fonctionnement annuel du barrage. C’est pourquoi ils négocient depuis 2015.

Mais que se passe-t-il s’ils ne parviennent pas à s’entendre sur les études ? Ladite Déclaration n’a rien dit, et n’a pas traité ce scenario. En d’autres termes, rien dans la Déclaration de principe n’interdit à l’Ethiopie de remplir et de tester le GBRE. »

Je ne suis pas d’accord

Premièrement: Justifier le remplissage unilatéral du GGR.E, en faisant valoir que la déclaration des Principes n’interdit pas explicitement un tel acte, est- pour M’^ « Rosalyn Miggins », présidente du Comité National tri parti tu (CNT) – «un formalise sans égal)). Un tel argument va À l’encontre d’objectif de ladite Déclaration et vide son objectif de tout contenu.

La   Déclaration   de   Principes   comprend   deux   catégories d’obligations: une obligation de méthodes et une obligation de conclusion. La dernière est l’obligation de convenir de «directives et règles» régissant le remplissage et le fonctionnement du GBRE, alors que la première consiste à utiliser les études recommandées par le Groupe International d’Experts lors des négociations sur les «directives et règles» du remplissage et du fonctionnement du GBRE. Bien qu’inter reliées, ces deux obligations sont finalement séparées et distinctes ; elles ne sont ni séquentielles ni mutuellement exclusives. Le processus d’achèvement des études du Groupe International d’Experts est tout à fait distinct du processus d’«probation des «lignes directrices et règles» régissant le remplissage et le fonctionnement du GBRE. Ce dernier peut, et en effet, procédé sans le premier.

La pratiqua des trois pays confirme cette assertion. Le 15 mai 2018, les trois pays ont adopté un document intitulé «Résultat de la deuxième réunion à neuf des ministres des Affaires étrangères, des Ressources en Eau, et des chefs des Services de Renseignements, d’Egypte. D’Ethiopie et du Soudan». Ce document comprenait des instructions pour la firme d’ingénierie française BRL, qui a été engagée pour mener les études recommandées par le Groupe International d’Experts. En parallèle, ce document a créé le Groupe National Indépendant de Recherche scientifique, qui- comme expliqué dans la 1ère partie de ce bilan- a été chargé de formuler ses règles de remplissage et de fonctionnement du barrage. Aucune mention n’a été faite à propos des études du Groupe International d’Experts dans le mandat du Groupe National de Recherche Scientifique Bref, les deux processus étaient entièrement séparés.

Deuxièmement: Ayant établi que l’accord sur les «lignes directrices et les règles» de remplissage et de fonctionnement du GBRE ne dépend pas de l’achèvement des études du Groupe International d’Experts, il devient immédiatement évident que la Déclaration de Principes exige que ses parties parviennent à un accord sur le remplissage et le fonctionnement du GERE, et que le remplissage unilatéral dudit barrage est inadmissible.

Une lecture attentive dos paragraphes (a) et (b) de .l’article cinq est essentielle à cet égard. Ces deux dispositions établissent des obligations distinctes pour se mettre d’accord sur les «directives et règles» relatives au «premier obligations sont entièrement distinctes de l’obligation de méthodes pour achever et utiliser les études du Groupe International’ d’Experte qui sont incluses dans les paragraphes (a)  et (b). A ce titre, la Déclaration de Principes a subordonné le «premier remplissage» et le «fonctionnement annuel» du GBRE à la conclusion d’un accord entre les parties sur « les lignes directrices et les règles» régissant ces deux processus.

Troisièmement : Une caractéristique particulièrement importante de la Déclaration de Principes confirme cette conclusion : le paragraphe (a) de l’article cinq identifie la seule activité qui peut-.il se dérouler unilatéralement sans les études du Groupe International d’Experts, et quel que soit l’étal des négociations sur les «directives les règles» de remplissage et de fonctionnement Cette activité est la construction du GBRE. Conformément à l’article cinq, l’Ethiopie est autorisée à construire son barrage parallèlement à l’achèvement clés études du Groupe International d’Experts, et pendant que les trois pays négocient la : «directives et règles» de remplissage cet du fonctionnement du barrage. En stipulant explicitement.

Que la construction du GBRE peut se dérouler unilatéralement, mais» à l’inverse, en soumettant, le «premier remplissage» et «le fonctionnement annuel» du barrage à un accord à conclure entre les parties, la Déclaration de Principes a procédé au début du remplissage conditionnel à la conclusion d’un accord sur les «lignes directrices et règles» de  remplissage et de fonctionnement. Remplir le barrage en

L’absence d’un tel accord    constituerait    une    violation substantielle de ladite Déclaration.

Quatrièmement  (et pour conclure) : Le jugement de 1997 donné par de la Cour International de Justice (CIJ) dans l’affaire Gab7ikovo Nagymaros est pertinent à ce stade, étant donné que la Tchécoslovaquie (puis la Slovaquie) ont mi latéralement mis en œuvre un projet (baptisé variante C) qui a détourné les eaux du Danube. La Cour a conclu que cela violait l’accord de 1977 avec la Hongrie qui faisait du projet Gabelkovo – Nagymaros un «système opérationnel unique et indivisible ». Et quant  au GBRB. il n’est ni détenu ni exploité conjointement, mais son cas est, quand même, semblable à celui de l’affaire Gabelkovo -Nagymaros. Dans ce cas, la CIJ a noté que « il  est que la Hongrie, en concluant le traité de 1977, avait accepté de barrer le Danube et de détourner ses eaux dans le canal de contournement. Mais ce n’est, que dans le cadre d’une opération conjointe et d’un partage de ses avantages que la Hongrie a donné son accord». Comme la Hongrie, l’Egypte a signé l’Déclaration de Principes uniquement dans  l’optique où le remplissage et le fonctionnement du GBRB  seront effectués conformément aux règles convenues. Mais en revanche, et à l’instar de là l’tchécoslovaques (et de la Slovaquie), l’Ethiopie, en signant cette Déclaration, a limité la liberté d’action de l’Egypte, et a assumé seul l’obligation de remplissage et de fonctionnement du barrage selon les règles convenues.

Remplir le GBRE

Unilatéralement placerait l’Ethiopie, donc, dans une position similaire à la Tchécoslovaquie, qui, selon la Cour, avait violé te Droit international en «assumant unilatéralement le contrôle d’une ressource partagée, et en privant ainsi la Hongrie de son droit à une part équitable et raisonnable des ressources naturelles du Danube. »

Le seul cas où l’Ethiopie pourrait, peut-être, prétendre qu’elle est permis de pourvoir unilatéralement au OGRE est si l’Egypte a refusé d’engager des négociations sur les «directives et règles» du remplissage et de fonctionnement, ou si telle a agi de mauvaise foi et a cherché à faire dérailler ces négociations pour empêcher l’Ethiopie de remplir le barrage.

La réalité comme je les décris dans les, 2ème et 3ème, Parties de ce Bilan, est le contraire. Non seulement l’Egypte s’est engagé  inlassablement dans ces négociations, mais elle a même accepté et paraphé un accord sur le remplissage et le fonctionnement du GRRE qui a été préparé par des médiateurs impartiaux. L’Ethiopie a, par contre fait dérailler le processus d’achèvement des études du Groupe International D’Experts, et a, même rejeté l’accord préparé par des parties impartiales, voir se prépare à commencer unilatéralement remplissage.

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