Alors que dans les coulisses, les autorités de la transition hésitent sur la question, pourvu que la mission onusienne soit dotée d'un mandat robuste, la rue qui les soutient, elle, appelle au saccage de tout ce qui est casque bleu. Entre le risque de ne pouvoir combler le vide que laisserait la Minusma et la pression d'une rue de plus en plus incontrôlable, le régime de la transition préfère le juste milieu.
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La transition face à la problématique  »MINUSMA » : Incertitudes

Alors que dans les coulisses, les autorités de la transition hésitent sur la question, pourvu que la mission onusienne soit dotée d’un mandat robuste, la rue qui les soutient, elle, appelle au saccage de tout ce qui est casque bleu. Entre le risque de ne pouvoir combler le vide que laisserait la Minusma et la pression d’une rue de plus en plus incontrôlable, le régime de la transition préfère le juste milieu.  

Depuis plusieurs mois, la force onusienne fait l’objet de contestation par les irréductibles du pouvoir de transition. Des organisations comme le mouvement Yèrèwolo Débout sur les Remparts et des figures de la contestation exigent le départ des casques bleus du territoire malien.

Maintes fois, ces acteurs hostiles au contingent ont tenu des meetings pour se faire entendre sur fond de victimisation. Le dernier en date, organisé par les jeunes de yèrèwolo va jusqu’à pondre un ultimatum. Le 30 juin, dans un mois, c’est le délai qui est donné à la mission de maintien de paix pour faire ses valises, à l’image de la force française Barkhane.

Déployée en 2013 au Mali, la MINUSMA a affiché ses forces et faiblesses en une décennie. Depuis plus de 6 ans, la diplomatie malienne n’a fait qu’insister sur la nécessité d’un mandat robuste, sous le chapitre 7, afin de doter les casques bleus des moyens et le feu vert de  combattre sans merci, les groupes armés sur le terrain. Échec. À l’occasion de chaque renouvellement de mandat, la diplomatie malienne a défendu bec et ongles cette nécessité, sans succès.

Après autant de prolongations, la jeune garde de la transition ne voit plus les choses de la même façon. «Certes, sur le plan humanitaire,  la Minusma fait beaucoup et assiste à la fois les populations dans une certaine mesure pour accéder aux services sociaux de bases, et les institutions en matière de mobilité dans des zones difficiles d’accès, mais le vrai problème auquel elle doit s’attaquer c’est le terrorisme», équilibre un soutien des autorités de la transition.

Pluiseurs organisations de la société civile et des leaders politiques non des moindres ont envahi le palais des sport le week-end dernier pour  dénoncer ce qu’ils appellent  « l’inaction des forces d’occupation ». À l’image de l’alter mondialiste Aminata Dramane Traoré qui s’était depuis le début, montrée opposée au déploiement des casques bleus au Mali.

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Pour un cadre de l’ancienne classe politique, « ce besoin de transformer le mandat de la Minusma en un mandat robuste pour l’adapter à la réalité est un vieille recette du régime défunt ». Avant d’ajouter que « les Colonels feraient mieux de se défendre lors du prochain renouvellement du mandat pour y arriver au lieu d’enflammer la rue ».

Si pour les diplomates, « la Minusma dans sa forme actuelle ne répond pas aux exigences du terrain, », force est de constater que le Mali peine à convaincre l’ONU à voir la situation sous un autre paradigme comme cela a été possible ailleurs par le passé.

« Déjà en 2014, Kinshasa avait tourné le vent sous l’ancien président Joseph Kabila. L’ancien Président congolais  a dû taper du poing sur la table pour non seulement obtenir un mandat robuste de la Monusco, mais aussi susciter la nécessité d’augmenter ses effectifs. Entre-temps, il a concocté un deal avec son soutien inconditionnel sud-africain. À cette époque, les deux pays étaient avancés sur un méga projet de barrage hydro-électrique impliquant des partenaires asiatiques, sur le fleuve Congo jusqu’au Cap.  Il n’avait suffi à Joseph Kabila que l’accord du conseil de sécurité sur l’augmentation des effectifs pour trouver la solution à son problème.

Le Conseil de sécurité cède pour 500 éléments supplémentaires alors que plus de 17 000 hommes étaient déjà sur le terrain. La diplomatie congolaise  fait valoir son penchant pour que ce soit Johannesburg qui fournit les 500 approuvés. Une fois en RDC, les militaires venus de Pretoria, s’émancipent du commandement militaire onusien, pour mater la rébellion du M23 qui ne se réveillera qu’en 2022.

« Il est donc clair que Bamako semble surfer sur ce fil sans le dire », croit savoir un diplomate africain qui a requis l’anonymat.

En sevrant la mission onusienne des déplacements aériens, de la logistique ainsi que certaines attributions libres, désormais soumises à un droit de regard de Koulouba, on peut dire que  la MINUSMA reste un allié utile aux yeux de Bamako mais encore non malléable, voire un pneu de secours dégonflé. Avec la foule qui réclame son départ avec ferveur, tout laisse croire que la pression qui vaut son pesant d’or peut amener l’Onu à revoir sa copie au grand bonheur de Bamako qui, en plus de la France et récemment les Etats-Unis, n’a pas intérêt à se mettre les tours de verre de Manhattan sur le dos.

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« Tout ce qu’on peut négocier, c’est que la Minusma ait un mandat robuste et que le choix de commandement de son état-major nous revienne », nous confie une source proche de Koulouba plutôt diplomate.

Car, ajoute une autre source, « ces voix qui s’élèvent sont celles des mêmes compatriotes qui avaient dégagé la France. Elles expriment leur indignation face à la posture de la MINUSMA qui, à leurs yeux ne fait rien pour la stabilité ».

Le récent rapport de la division des droits de l’homme sur les événements à Moura n’est pas pour arranger les choses. Derrière la Minusma, certains voient la France, à tort ou à raison, exaspérée par le coup de pied des colonels, qui tirerait sur les ficelles.

« Pourtant on aurait pu éviter cette foire aux empoignes si le gouvernement prenait son courage à deux mains pour faire un communiqué officiel, exigeant le départ immédiat des casques bleus », tacle un opposant au régime qui conseille le franc jeu au lieu dit-il, du jeu de cache-cache.

Reste que dans les rues de Bamako, toutes sortes de rumeurs courent. Et les autorités de la transition qui ont du mal à clarifier leur choix entre chasser la Minusma au grand bonheur du partenaire russe et la maintenir pour réguler les humeurs de ses propres thuriféraires, se retrouvent dans un véritable dilemme.

Mis à part, « le pire est que les groupes viennent à faire des massacres, après un éventuel départ précipité de la Minusma. Que va-t-on dire ?  », s’interroge un analyste funambule, lui aussi indécis sur le choix à faire.

Issiaka Tamboura et Idrissa Keïta

Le Soft

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