Le colloque de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer du 26 mai 2023 sur le thème « Cent ans de passion et au-delà pour l’outre-mer » vise à « réinventer la relation entre l’Afrique et ses diasporas de la France d’Outre-Mer dans le contexte du renouveau du panafricanisme ».
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« L’Afrique entend redynamiser les relations avec ses diasporas », le ministre Robert Dussey au Colloque de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer

Le colloque de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer du 26 mai 2023 sur le thème « Cent ans de passion et au-delà pour l’outre-mer » vise à « réinventer la relation entre l’Afrique et ses diasporas de la France d’Outre-Mer dans le contexte du renouveau du panafricanisme ».

Dans son discours introductif ci-dessous, Prof. Robert DUSSEY, ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur, fait comprendre que l’Afrique entend redynamiser les relations avec ses diasporas, notamment avec les diasporas de la France d’outre-mer.

Monsieur le Président de l’Académie des sciences d’outre-mer,

Monsieur le Recteur de la région académique Île-de-France et de l’académie de Paris,

Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences d’outre-mer,

Mesdames et Messieurs les panelistes,

Distingués invités

Mesdames et Messieurs,

Les organisateurs du présent colloque m’ont initialement demandé d’introduire les échanger sur le thème « Demain l’outre-mer : démographie, environnement et démocratie, trois enjeux capitaux ». Après échanges avec eux, on s’est mis d’accord plutôt sur le thème « Réinventer la relation entre l’Afrique et ses diasporas de la France d’outre-mer dans le contexte du renouveau du panafricanisme ».

Je voudrais les remercier pour leur souplesse et esprit d’ouverture qui a rendu cette attente possible, mais également pour mon invitation à cet évènement important sur l’outre-mer. Les outre-mer français ont un rapport de type particulier à l’Afrique et c’est avec plaisir que j’ai accepté de participer à l’évènement.

En effet, pour revenir à mon sujet ci-dessus indiqué et commencer, je voudrais faire observer que le contexte actuel est celui du renouveau du panafricanisme et il est normal que l’on s’intéresse à la relation entre l’Afrique et ses diasporas ; et dans le cas précis ici la relation entre l’Afrique et ses diasporas de la France d’outre-mer.

L’intérêt pour les diasporas africaines dans le contexte actuel du renouveau du panafricanisme a une justification historique et lié à l’histoire du panafricanisme lui-même : le panafricanisme est d’abord né dans la diaspora, porté par la diaspora avant d’être porté à l’échelle continentale par des grandes figures comme Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop et Julius Nyerere. Le panafricanisme diasporique et le panafricanisme à l’échelle continentale sont donc les deux visages d’une même réalité puisque le panafricanisme continental n’est qu’une réappropriation endogène de la dynamique panafricaine amorcée par les afro-descendants des Caraïbes et d’Amérique.

L’on ne peut appréhender les enjeux de l’émancipation et de la renaissance africaine aujourd’hui sans penser au Trinidad d’où vient Henry Sylvester William qui a organisé la première conférence panafricaine de Londres en 1900, sans penser l’afro-américain William Du Bois, à la Jamaïque de Marcus Garvey et aux caraïbes d’Edward W. Blyden. L’on ne peut non plus le faire sans avoir à l’esprit l’immense travail de déconstruction et révolutionnaire d’un certain Frantz Fanon de la Martinique. Quoi de plus panafricaniste que l’engagement intellectuel d’Aimé Césaire dans le cadre de la négritude au service de l’émancipation des opprimés d’Afrique et d’ailleurs ? Aimé Césaire lui-même disait que « Le mouvement de la négritude affirme la solidarité des noirs de la diaspora avec le monde africain. »

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Les trois grandes figures, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor, représentaient le panafricanisme en miniature dans la dynamique de la négritude qui a contribué à améliorer l’image que les peuples d’Afrique et des diasporas africaines avaient d’eux-mêmes, à retrouver le sens de leur propre dignité dans le développement d’un rapport positif au reste du monde. Leurs efforts ont contribué à la réhabilitation de l’identité africaine qui est le véritable fondement du panafricanisme.

Les diasporas africaines d’hier ont servi la cause de l’émancipation, de la dignité et la liberté de l’humanité. Les diasporas africaines d’aujourd’hui peuvent toujours jouer le même rôle. On sait bien comment certaines personnalités issues de la Guadeloupe, des Antilles ou de la Martinique ont bataillé les dernières années pour une juste reconnaissance et représentation de la mémoire de l’esclavage dans la conscience nationale française, et au-delà, dans la conscience de l’humanité.

Les identités multiples des diasporas africaines de la France d’Outre-mer font qu’ils sont à la fois des antillais, des guadeloupéens, des martiniquais, des français, mais aussi des africains de par leur origine africaine. La Guadeloupe, par exemple, est caribéenne de par sa position géographique, française de par son statut administratico-politique et africaine de par l’origine africaine d’une partie de sa population et ceci est vrai pour d’autres territoires d’outre-mer français.

Les afro-descendants de la France d’outre-mer ont la mémoire de leurs racines africaines. Ils  sont des citoyens français, mais demeurent nos frères puisque la fraternité est le ciment du panafricanisme. Ou, comme le dit Georges Padmore, « L’idée du panafricanisme surgit d’abord comme une manifestation de solidarité fraternelle entre africains et peuples d’ascendance africaine ».

Nous sommes dans un contexte révolutionnaire (il y a des révolutions silencieuses) de réexamen et de réinvention des rapports de chacun avec chacun, rapport hommes/femmes, rapport Afrique/France, rapport Nord/Sud global, rapport Sud/Sud, rapport Homme/Nature vu les défis écologiques et la relation de l’Afrique à ses diasporas d’Europe et d’Amérique ne peut rester en marge de ce mouvement de reconfiguration des rapports. « Tout change et nous devons vivre avec notre temps ! », disait Seydou Badian, l’auteur de Sous l’orage.

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L’Afrique entend redynamiser les relations avec ses diasporas, notamment avec les diasporas de la France d’outre-mer. Et fort heureusement, l’intérêt pour le panafricanisme est très perceptible chez les diasporas africaines de la France d’outre-mer. Il y a une partie importante des guadeloupéens, des antillais, des martiniquais qui sont non seulement convaincus de leur appartenance à la grande famille africaine, mais également déterminés et qui envisagent leur avenir global dans la mouvance du panafricanisme. Je n’oublie pas bien entendu le Mayotte, la Réunion, et que sais-je encore ?

Bien évidemment les diasporas africaines de la France d’outre-mer sont libres de faire leur chemin seuls, mais j’ai la ferme conviction que ce chemin sera plus facile et moins jonché d’épreuves quand il s’inscrit dans le mouvement d’ensemble de l’Afrique et de ses diasporas dans la voie du panafricanisme. Le jour où l’Afrique deviendra ou redeviendra l’une des grandes puissances du monde et les africains respectés de façon stricte aussi bien dans leur identité que dans leur humanité, la situation des diasporas africaines d’outre-mer français et d’ailleurs deviendra autre ; pour ne pas dire meilleure. Le sort de l’Afrique et celui de ses diasporas sont en réalité très liés.

Le panafricanisme a été et le demeure encore aujourd’hui le cadre le plus représentatif de l’alliance de l’Afrique avec ses diasporas. Tout l’enjeu actuel, c’est redynamiser l’internationale panafricaine dans l’intérêt de l’Afrique et de ses diasporas à travers le monde.

Le rapport de l’Afrique aux afro-descendants ne doit pas seulement être un rapport tourné vers et fondé sur le passé visant à réaffirmer leur africanité ou identité africaine. Il doit être appréhendé dans son actualité et surtout dans son avenir, un avenir à construire en commun dans le cadre du panafricanisme. L’Afrique et ses diasporas forment un réseau de transnationaux d’actions communes dans la dynamique du panafricanisme.

Dans le contexte actuel de renouveau du panafricanisme, il est possible de réinventer la relation entre l’Afrique et ses diasporas de la France d’outre-mer et cette nouvelle relation pourrait être établie sur les principes d’échange, de collaboration et de soutien mutuel. De part et d’autre, nous devons encourager l’établissement de partenariats économiques, des relations d’échanges culturels et artistiques, des échanges dans les secteurs tels que l’éducation, la recherche scientifique, l’agriculture, la santé.

De même, je voudrais préciser qu’à l’initiative du Togo, nous organisons, en collaboration avec l’Union africaine, en 2024 à Lomé le 9ème congrès panafricain. Le 9ème congrès panafricain, dont le lancement est fait cette semaine même à Lomé, portera sur le thème « Renouveau du panafricanisme et rôle de l’Afrique dans la réforme des institutions multilatérales : mobiliser les ressources et se réinventer pour agir ».

Il sera l’occasion privilégiée pour les africains vivant sur le continent, de la diaspora et les afro-descendants de se retrouver, d’échanger et de prendre des résolutions fortement pertinentes destinées à soutenir le processus de développement continental et les efforts collectifs de nos États pour améliorer la participation et la représentativité de l’Afrique dans la gouvernance mondiale.

Les diasporas africaines et afro-descendants de la France d’Outre-mer tout comme les diasporas africaines des autres contrées de la terre sont très attendus à Lomé l’année prochaine pour la beauté de la messe du 9ème congrès panafricain.

Je vous remercie pour votre aimable attention!

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