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Le projet de loi d’entente nationale : une menace pour la paix, la réconciliation et les droits des victimes au Mali

Dans un communiqué de presse conjoint, dont Icimali.com livre la teneur, 47 Organisations de défense de droits humains jugent le projet de loi d’entente nationale menaçante pour la paix, la réconciliation et les droits des victimes au Mali.

Bamako, le 9 Novembre 2018: nos organisations de défense des droits humains constatent, avec la plus grande consternation, la soumission à l’Assemblée Nationale par le Gouvernement du Mali , d’un projet de loi dite «d’entente nationale » et Les débats pour son adoption sont prévus le 13 décembre 2018.

Nos organisations informent qu’elles ne sont pas contre une Loi d’entente mais précisent qu’elles s’opposent à ce projet de loi d’entente nationale en l’état.

Ce projet de loi prévoit l’exonération des poursuites pénales contre les personnes ayant commis de crimes et délits punis par le code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Mali. Bien que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le viol soient exclus de son champ d’application, le projet de loi contient des mécanismes inadéquats pour garantir que les personnes responsables de ces crimes et d’autres graves violations des droits de l’homme et de droit international humanitaire perpétrées pendant la crise de 2012 ne soient pas exonérées de poursuites pénales.

Bien que le projet de loi prévoie des mesures d’apaisement social, d’indemnisation pour les victimes de ces crimes, ainsi que des mesures de réinsertion destinées aux ex-combattants, aux réfugiés et aux déplacés internes, ces mesures sont insuffisantes et entrent en contradiction avec le mandat de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation et le travail de la commission d’enquête internationale, prévu à l’article 46 de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Nos organisations regrettent que le gouvernement ait élaboré et soumis le projet à l’Assemblée nationale le 10 Août 2018 sans consulter en amont les victimes , ce qui va à l’encontre de la pratique établie aujourd’hui en justice transitionnelle. Il est en effet largement reconnu que la pleine implication des victimes dans la création de normes et mécanismes censés apporter des réponses à leurs souffrances est incontournable pour en assoir la légitimité. Il est à craindre que, loin d’assurer que les faits en relation avec les crimes commis ne soient éclaircis, la Loi ne vienne dans les faits que pour fermer définitivement la porte à toute revendication de justice, aux dépens des droits des victimes à la vérité et à la justice.
Nos organisations avaient préalablement réaffirmé et continuent à apporter leur soutien au processus de paix et de réconciliation au Mali..

Toutefois, en raison de ses nombreuses et importantes faiblesses, la mise en œuvre d’une telle loi risquerait de conduire, dans les faits, à l’amnistie de nombreux auteurs de crimes considérés parmi les plus graves, y compris les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et ne permet pas d’assurer pleinement le respect des droits des victimes, en violation flagrante de l’article 46 de l’Accord pour la paix et des obligations internationales du Mali découlant du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.

Nos organisations avaient alerté les autorités sur les risques d’un texte d’amnistie1 favorisant l’impunité, et qui, de la même façon, prône le déni total des droits des victimes de la crise malienne.

Malgré nos demandes, nous n’avons à ce jour pas été reçus par le Président ou le Premier Ministre.

Aujourd’hui, nos organisations exigent le retrait dudit projet et exhortent le gouvernement malien à engager des consultations avec les parties prenantes, en particulier les organisations de victimes et les organisations de défense des droits humains.

Selon nos organisations, il est impératif que ce texte ne soit pas adopté, parce qu’il représente une grave menace à l’État de droit et aux droits des victimes, et risque de mettre à mal les efforts déployés afin d’atteindre une véritable réconciliation au Mali.

En effet, nos organisations réitèrent leurs demandes :
1. Le retrait du projet de loi dit « d’entente nationale » par le gouvernement tel que rédigé actuellement ;

2. L’implication, la consultation et la prise en compte des préoccupations des associations de victimes et des organisations de défense de droits humains par le gouvernement, préalablement à l’élaboration d’un nouveau projet de loi d’entente nationale, respectueux des droits des victimes du conflit au Mali ;

3. L’engagement d’un dialogue direct entre l’Assemblée nationale et les associations de victimes et organisations de défense de droits humains sur le projet de loi d’entente nationale issu de ces consultations afin qu’elles puissent exprimer leurs préoccupations et craintes au sujet du projet de loi tel que rédigé actuellement ;.

4. Des engagements concrets des autorités maliennes en faveur de la lutte contre l’impunité en particulier, en garantissant l’effectivité des poursuites et enquêtes relatives aux crimes les plus graves.

Enfin, nos organisations informent l’opinion nationale et internationale qu’elles entendent restées mobilisées jusqu’au retrait dudit projet de loi par le Gouvernement.

Liste des organisations signataires
1. Action Citoyenne pour la Promotion des Droits Humains-ACPDH
2. AFLED
3. Aide au Développement Durable de Kidal-ONG ADD
4. Alliance pour réfonder la Gouvernance en Afrique-ARGA Mali
5. Association des femmes africaines pour la recherche et le développement (AFARD-Mali)
6. Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes-APDF
7. Amnesty International-AI Mali
8. Association DEME-SO
9. Association des Juristes Maliennes-AJM
10. Association Malienne des Droits de l’Homme-AMDH
11. Association pour le Développement des Initiatives Locales ADIL Mali
12. Association pour le Developpement, Recherche Action ADERA
13. Association pour le Developpement de Tangassane ADT Tombocutou
14. Association pour la protection des Ablbinos-AMPA
15. Association des Femmes Entreprenantes du Mali-AFEM
16. Avocats Sans Frontières-ASF Mali
17. Conseil National des Associations de Victimes-CNAV
18. Consortium Actions Droits Humains-CADH
19. Centre d’Assistance et de Promotion de Droits Humains-CAPDH
20. Centre pour le Dialogue Humanitaire-HD
21. Coalition Malienne des Droits de l’Enfant-COMADE
22. Coalition Malienne des Défenseurs des Droits Humains -COMADDH
23. Coalition Malienne pour la Cour Pénale Internationale-CM-CPI
24. Collectif CRI DE CŒUR
25. Collectif des Femmes du Mali-COFEM
26. Conseil National des Victimes-CNV
27. Coordination des Associations et ONG feminines du Mali
28. Coordination Nationale des Associations de Victimes -CNAV
29. ENDA Mali
30. Femmes et Droits Humains- F&DH
31. Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme-FIDH
32. Fédération Nationale des Collectifs d’Organisations Féminines du Mali- FENACOF
33. Groupe Pivot Droit et Citoyenneté des Femmes-GP/DCF
34. Ligue Pour la Justice, le Développement et les Droits de l’Homme-LJDH
35. Association Malienne pour le Droit international-MIDA
36. Observatoire des Droits Humains et de la Paix-ODHP
37. Observatoire des Droits de la Femme et de l’Enfant-ODEF
38. ONG Développement Holistique Africa-DHA
39. ONG pour le Développement Educatif Sanitaire et la Protection de l’environnement dans le Sahel-ADESPED
40. Plate-Forme DESC
41. Réseau des Défenseurs des Droits Humains-RDDH
42. Réseau National pour l’Eveil Démocratique et Patriotique-RENEDEP
43. Réseau des Journalistes Pour la Promotion des Droits de l’Homme-RJPRODH
44. TEMEDT
45. Tribune Jeunes pour le Droit au Mali – TRIJEUD-MALI
46. WANEP-Mali
47. Women In Law and Development In Africa-WILDAF Mali

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