Ce mercredi 23 janvier 2019 sont déposées au greffe de la cour pénale internationale les réquisitions du procureur Fatou Bensouda dans l’affaire Laurent Gbagbo et Blé Goudé contre le procureur, a appris icimali.com. Fatou Bensouda fixe les conditionnes de la libération des deux ex-hommes forts de la Côte d’Ivoire. Intégralité du document de la réquisition.
Document de l’accusation à l’appui de l’appel en vertu de l’article 81 3) c) ii) du Statut (Parti 1)
introduction
1. La majorité de la Chambre de première instance I a fait erreur dans sa décision du 16 janvier 2019 de rejeter la demande de l’Accusation tendant à maintenir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé (les «accusés») en détention provisoire ou, subsidiairement, à les libérer sous condition (« Décision »). Malgré l’annonce verbale de la majorité acquittant l’Accusé de toutes les charges (les «acquittements») 3, suivie d’un ordre de libération de l’Accusé, il existe 4 circonstances exceptionnelles justifiant le maintien en détention ou, subsidiairement, la libération conditionnelle de l’Accusé en instance. l’appel de l’Accusation contre le
Déclaration complète et motivée de la majorité sur les preuves et conclusions (le «jugement») 5.
2. Dans sa décision, la majorité a commis à la fois des erreurs de droit et des erreurs dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, notamment en évaluant le risque concret que l’accusé échappe à la justice s’il était remis en liberté sans condition, la gravité des faits incriminés et la probabilité que L’appel de l’Accusation contre le Jugement sera accueilli.
3. La situation dans cette affaire est exceptionnelle et sans précédent, ce que la majorité n’a pas compris.
4. Premièrement, s’il est libéré sans condition, il existe un risque concret que l’accusé ne comparaisse pas pour la suite de la procédure dans cette affaire (y compris l’appel et les procédures ultérieures possibles). À trois reprises, la Chambre de première instance – bien qu’à une majorité composée différente – a rejeté la mise en liberté provisoire de M. Gbagbo, estimant qu’il était incité à prendre la fuite, à s’appuyer sur un réseau et à le faire. La Chambre a également conclu que sa détention était nécessaire pour s’assurer qu’il ne gêne ni ne met en danger la procédure judiciaire. Bien que durant la majeure partie du procès, M. Blé Goudé n’ait pas demandé à être mis en liberté provisoire et que la Chambre de première instance n’ait pas eu à statuer sur la question, les motifs de ces conclusions valent également pour M. Blé Goudé. Ces conclusions doivent en outre être examinées à la lumière du non-respect par le Gouvernement ivoirien de son obligation de remettre Mme Simone Gbagbo à la Cour, même après que celle-ci eut conclu à la recevabilité de son action; aggravée par la déclaration du Président Ouattara du 4 février 2016 selon laquelle il n’enverrait pas davantage d’Ivoiriens à la CPI; et sa signature le 6 août 2018 d’un décret d’amnistie accordant l’amnistie à 800 détenus, dont Mme Simone Gbagbo.
5. Deuxièmement, les accusations portées contre l’accusé sont très graves et, si l’appel aboutit et que les procédures se poursuivent, il est probable que la peine prononcée sera lourde. La Chambre de première instance elle-même a précédemment reconnu que les charges retenues contre l’accusé étaient extrêmement graves. Ils se situent au sommet de l’échelle des crimes pouvant être portés devant la Cour. Ils impliquent des crimes contre les personnes – meurtre, actes inhumains, viol et persécution – par opposition aux infractions contre les biens ou aux infractions contre l’administration de la justice. En outre, les crimes allégués étaient motivés par des raisons politiques – pour conserver le pouvoir par tous les moyens – et leur impact ne se limitait pas aux victimes directes des crimes, mais s’étendait au moins à l’ensemble de la région d’Abidjan. En outre, les deux accusés auraient participé à ces crimes depuis leur position au plus haut niveau de l’appareil d’État.
6. Troisièmement, il existe une probabilité réelle que l’appel du Procureur contre le Jugement aboutisse. L’opinion dissidente du juge Herrera Carbuccia, qui a mis en lumière certains des problèmes soulevés par l’approche de la majorité en prononçant les acquittements tout en reportant leurs raisons sous-jacentes à une date ultérieure indéterminée, est particulièrement pertinente pour évaluer la probabilité de succès en appel et la notion plus large de circonstances exceptionnelles.
L’absence de motifs écrits adéquats de la part de la majorité a considérablement entravé la capacité actuelle de l’Accusation de faire valoir des arguments bien informés sur la probabilité de succès en appel. Cependant, même sans ces raisons écrites, il est déjà évident, à ce stade précoce, que le procès et les acquittements étaient affectés par un certain nombre de vices de procédure. La juge Herrera Carbuccia, dans son opinion dissidente, en a souligné certaines, notamment la manière dont la majorité a appliqué le critère de la preuve et comment elle a évalué les éléments de preuve au stade de la «non-justification» («NCTA»).
L’Accusation note également que le juge unique de la Chambre de première instance n’a pas fourni d’indications aux parties sur le niveau de preuve applicable et sur la manière dont les preuves devaient être évaluées au stade de la NCTA et, au cours du procès, les deux juges formant le La majorité des acquittés étaient fortement en désaccord sur l’opportunité d’appliquer le régime de l ‘«admission» ou du «dépôt» à la présentation de la preuve.
Le juge Henderson a déclaré qu’il serait difficile de concilier le régime de la «soumission» utilisé dans le procès avec la procédure engagée devant la NCTA et a ajouté que si la Chambre décidait qu’il y avait lieu de répondre, elle créerait un «préjudice grave» la Défense et «affecte de manière significative […] la rapidité de la procédure ». Enfin, alors que la Chambre de première instance avait ordonné à la Défense de déposer des requêtes au titre de la NCTA et acquitté l’accusé en acquiesçant 11, un juge à la majorité, le juge Tarfusser, était même d’avis que «la notion [et] la procédure de non-lieu à répondre sont étrangères aux textes statutaires de la Cour », contribuant ainsi à l’incertitude d’une procédure qui manquait déjà de sécurité juridique et de prévisibilité.
Il s’agit là d’indicateurs objectifs pertinents, liés à de potentielles erreurs de procédure ou de droit, permettant d’évaluer la probabilité de succès de l’Accusation en appel, ce que la majorité n’a pas pris en compte.
7. En raison des erreurs dans la décision identifiée dans le présent appel, la Chambre d’appel devrait l’annuler. Il devrait ensuite substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la Chambre de première instance et conclure à l’existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 81-3 c) i) du Statut et au fait que les facteurs identifiés dans cette disposition justifient le maintien en détention du requérant. Accusé dans l’attente de l’appel interjeté par l’Accusation contre le Jugement.
La Chambre d’appel dispose de toutes les informations pertinentes nécessaires pour tirer ces conclusions. Par conséquent, au lieu de renvoyer l’affaire à la Chambre de première instance pour nouvelle détermination, les procédures seraient accélérées. Cela permettrait également à la Chambre de première instance de s’attacher à rendre son exposé complet et motivé des conclusions et éléments de preuve.
Toutefois, comme il a été expliqué devant la Chambre de première instance, le Procureur ne s’oppose pas à ce que l’Accusé soit libéré sous condition. En conséquence, il invite la Chambre d’appel à utiliser les pouvoirs que lui confèrent les articles 81-3 (c) et 83 (1), lus avec l’article 64 (6) (f) du Statut, pour libérer le Accusé sous réserve des conditions spécifiées dans la demande de l’Accusation au titre de l’article 81-3 c) i). Ces conditions devraient être subordonnées à la disponibilité d’un État qui (i) est disposé à accepter que Laurent Gbagbo et / ou Charles Blé Goudé soient libérés sur son territoire; et ii) désireux et capables de faire respecter les conditions imposées par la Chambre d’appel.
Si aucun État de ce type ne peut être trouvé, l’accusé devrait être placé en détention en attendant l’appel.
8. Si la Chambre d’appel impose des restrictions à la liberté de l’Accusé dans l’attente de l’appel, l’Accusation fait observer qu’elle devrait prendre des mesures pour accélérer la procédure afin de protéger pleinement les droits de l’Accusé. À cette fin, la Chambre d’appel devrait également enjoindre à la Chambre de première instance de présenter le plus rapidement possible, dans les meilleurs délais, de manière circonstanciée et de préférence dans les 30 jours à compter de la date de la décision de la Chambre d’appel, les conclusions et conclusions de la Chambre de première instance.
Fatou Bensouda, Procureur
Fait le 23 janvier 2019 à La Haye, Pays-Bas
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CYRIL avec icc-cpi.int