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Mali: Rapport Novembre 2020 du Comité de gestion de la violence dans l’espace scolaire et universitaire (CGVSU) « extrait »

RÉSUMÉ

Ce document présente le travail effectué par la plateforme « Femmes du Mali » à travers un comité dénommé Comité de Gestion de la Violence dans l’Espace Scolaire et Universitaire(CGVSU) créé au lendemain de la violence meurtrière survenue sur le campus universitaire de Badalabougou le 12 octobre 2020. Un état des lieux de la violence dans l’espace universitaire et scolaire a été fait sur la base de différentes rencontres que le Comité a initiées avec les responsables des institutions d’enseignement supérieur publiques et privées, les partenaires sociaux de l’école ainsi que des rapports de certains fora tenus sur la question de la violence. Le document se termine par une série de mesures et de recommandations pour endiguer la violence endémique que connait l’espace universitaire malien.

MÉTHODOLOGIE

Pour recueillir toutes les informations auprès des différents acteurs et conforter notre compréhension de la question, la réunion des « Femmes du Mali » a proposé la mise en place d’un Comité de travail.

Après sa création, le Comité a élaboré un chronogramme de rencontres avec les acteurs et les partenaires sociaux de l’école malienne lui permettant de mieux comprendre la problématique de la violence dans les différents campus universitaires en vue de proposer des actions permettant d’assainir l’environnement universitaire, d’assurer le plein épanouissement des étudiants et de sécuriser l’espace universitaire.

Le comité a également procédé à la revue des rapports des fora tenus sur l’école malienne et la violence dans l’espace scolaire et universitaire. Sa démarche a été d’intégrer toutes les approches précédentes afin d’aboutir avec les autres acteurs à une solution consensuelle et définitive de la crise.

Les échanges avec ces structures et regroupements permettront de glaner suffisamment d’informations pour compléter notre appréciation de la situation en vue de présenter un rapport détaillé et une déclaration au président de la transition, au premier Ministre et aux différents Ministres en charge de l’Education et de l’Enseignement Supérieur.

Pour mieux s’armer, Le Comité s’est posé les questions ci-après en guise de guide d’entretien permettant d’orienter les débats avec les partenaires et de recueillir leurs propositions:

  1. Faut-il dissoudre purement et simplement l’AEEM ou procéder à une restructuration conformément aux objectifs facilitant l’acquisition de connaissances, l’épanouissement et réussite des étudiants surtout ceux dont la priorité est d’étudier ?
  2. Le campus est infecté d’individus mal intentionnés ; que faut-il faire face à la nécessité et l’obligation d’assainir l’environnement et d’adopter des comportements décents?
  3. Les Universités sont devenues des lieux de prédilection des hommes politiques et opérateurs économiques véreux ; comment ramener l’école à l’école et arrêter l’infiltration et l’influence de ces hommes politiques et de ces opérateurs économiques?
  4. Le cadre de travail et les conditions d’études ne répondent pas souvent aux normes de performance, n’est-il pas nécessaire de procéder à une refondation du système universitaire ?
  5. La tension monte et les violences s’accentuent surtout lors du renouvellement des Bureaux de l’AEEM; Quelles en sont les véritables raisons ? Pourquoi tous ces agissements et pour quelle fin ?

De tout ce qui précède le rapport suivant a été élaboré

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INTRODUCTION

Depuis près de trois décennies, l’espace scolaire et universitaire malien s’est transformé progressivement en champ d’exercice de violences de toutes sortes dont la cible est tantôt les élèves et étudiants, tantôt les enseignants et le personnel administratif.

Si au départ les violences avaient pour conséquences des blessures physiques et émotionnelles plus ou moins graves, force est de constater qu’elles sont devenues meurtrières depuis une dizaine d’années. De nombreux fora se sont tenus sur l’école malienne durant lesquels la question de la violence a toujours été traitée. Un forum particulièrement dédié aux problèmes d’insécurité dans l’espace universitaire s’est tenu en 2018 où des recommandations ont été formulées avec une feuille de route. Malheureusement, après un constat d’échec de toutes ces tentatives de résolution de la question, le problème reste entier.

Suite à l’annonce de la mort d’un étudiant le 12 octobre 2020 ayant entraîné l’émoi de toute la nation, de nombreuses voix se sont levées pour dénoncer ces violences et réclamer la dissolution pure et simple de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM). Dans cette même mouvance, plusieurs pétitions en ligne demandant aux pouvoirs publics d’agir ont été signées par des milliers de nos concitoyens. Des débats télévisés et radiophoniques animés sur le sujet ont eu le mérite d’éclairer la nation sur certaines causes de ces violences à répétition.

Parallèlement à toutes ces initiatives pour résoudre le problème, la Plateforme des Femmes du Mali, une fédération des organisations et associations féminines et des faîtières du Mali, a convoqué une assemblée extraordinaire le 17 octobre 2020 pour s’engager dans un processus de recherche de solution à ces violences dans l’espace scolaire et universitaire. A cet effet, un comité restreint dénommé Comité de Gestion de la Violence dans l’espace Scolaire et Universitaire (CGVSU) a été mis en place.

ETAT DES LIEUX

LA PRÉSENTATION DE L’AEEM

L’Association des Elèves et Etudiants Maliens (AEEM) a été créée le 27 octobre 1990 au Lycée de Badalabougou. Sa devise est « Oser Lutter, c’est oser vaincre, la lutte continue ! ». L’adhésion à cette organisation est libre et volontaire pour tout élève et tout étudiant du Mali sans considération aucune. Ses élections se font de façon démocratique pour tous les organes. Ses objectifs sont : la défense des intérêts matériels et moraux des Elèves et Etudiants du Mali, l’amélioration des conditions de vie et d’étude de ses membres et leur représentation par des délégations démocratiquement élues dans toutes les instances où leurs problèmes sont traités.

Depuis une décennie le mode de désignation des membres du bureau et son fonctionnement ont radicalement changé :

– les élections ne sont plus démocratiques comme cela se faisait auparavant. Les Secrétaires Généraux des comités au sein des facultés sont élus et désignent les membres de leurs comités à leur convenance ;

– le collège des Secrétaires Généraux des établissements élit à son tour le Secrétaire Général du Bureau de Coordination National lors du congrès. Le coordinateur élu présente son bureau préétabli.

Il est important de noter que les membres du bureau de l’AEEM s’attribuent des titres militaires avec d’autres sobriquets comme « Waramassa », « Méchant », « Magossa Ninguelen» et autres. Ces noms sont révélateurs de leur comportement violent et tyrannique. Ils se répartissent en trois groupes

  1. « Les éclairés »
  2. « Les négociateurs »

Ces informations proviennent des statuts de l’AEEM adoptés en son 13ème Congrès ordinaire le 29 décembre 2005 à Bamako.

  1. « Les perturbateurs »

Les deux premiers constituent l’instance dirigeante de l’organisation tandis que le troisième est composé d’étudiants formés à la violence pour intervenir au besoin, semant ainsi le désordre. Par exemple, quand des activités pédagogiques ou d’autres événements sont organisés sans l’assentiment et le concours de l’AEEM, les « perturbateurs » interviennent pour empêcher leur tenue, sous prétexte que l’AEEM n’a pas été impliquée dans l’organisation de ces évènements. Les moyens de l’AEEM ne sont pas seulement des armes conventionnelles ou blanches, mais elle utilise aussi les filles comme appâts pour séduire les professeurs rigoureux.

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L’AEEM ayant atteint un certain ancrage au niveau des structures administratives et politiques n’a plus aucun égard ni pour les professeurs dont le sacerdoce est devenu un calvaire redoutable et inexplicable, ni pour l’administration universitaire. L’absentéisme a atteint un tel degré que des étudiants traduits en conseil de discipline ne connaissent même pas leurs différents professeurs.

LA SITUATION DES VIOLENCES DANS LES UNIVERSITÉS: QUELQUES FAITS ILLUSTRATIFS

Aujourd’hui la violence dans le milieu scolaire et universitaire est devenue un phénomène cyclique et dangereux. Ce phénomène instaure un climat d’insécurité et de peur dans tous les établissements scolaires et viole le droit des élèves et étudiants d’apprendre dans un environnement sûr et serein. Malheureusement, l’école malienne a sombré dans une situation complexe qui, au lieu de former des citoyens responsables et engagés, produit des délinquants et criminels potentiels.

Entre 2015 et 2019, on note 350 cas de coups et blessures portés à des étudiants dans l’espace universitaire dont 280 recensés sur le seul campus de Badalabougou. Aussi, de 2017 à 2020, on a également dénombré 7 étudiants morts sur ce même campus. Ces violences meurtrières ont été commises par des étudiants contre leurs camarades le plus souvent lors des renouvellements de leurs bureaux. Cette organisation estudiantine, créée pour la défense des droits des élèves et étudiants, s’est transformée en un groupement armé qui sème la terreur dans l’espace scolaire et universitaire du Mali. Ses membres sont devenus de vrais maîtres des lieux où ils font régner leurs lois. Par exemple, ils possèdent des places attitrées dans les amphithéâtres que nul autre étudiant n’a le droit d’occuper, même si ces places devaient rester vides, ce qui arrive souvent, aucun autre étudiant n’a le droit de s’y installer en dehors des « maîtres des lieux ».

Présentement, les Universités du Mali, en particulier l’Administration universitaire, vivent une période de grande émotion. Au-delà de ces pertes en vies humaines, le campus est dans une situation d’insécurité grandissante. C’est seulement à la veille des examens périodiques, que les revendications légitimes telles que la défaillance des toilettes, l’insuffisance des livres dans les bibliothèques et le retard dans le paiement des bourses sont exprimées. Ces revendications constituent des prétextes pour déclencher une grève ou encore se donner des vacances. Pour des intérêts sordides, certains membres de l’AEEM n’hésitent pas à intimider ou escroquer les professeurs, sans composer ils exigent d’être admis en classe supérieure. Par exemple, l’inscription frauduleuse de 69 étudiants sur la liste des admis à la licence à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB) avec la complicité de l’informaticien et à l’insu du Recteur. A la découverte de cette fraude, le Recteur a pris un autre acte pour annuler le précédent.

L’AEEM a contesté cet acte d’annulation en allant en grève et en proférant des menaces. De telles pratiques ont souvent engendré des affrontements entre les membres du bureau et les étudiants studieux.

A chaque fois que certains étudiants ont eu des comportements déviants (crimes, bévues, manquements, etc.) et que des plaintes sont déposées contre eux conduisant à des arrestations, deux jours après on les voit se pavaner en toute liberté dans la cour et dans les classes pour narguer et menacer l’administration et/ou le corps professoral. Face aux étudiants devenus puissants par la grâce d’un État défaillant, les enseignants frustrés et indignés n’ont aucun recours car aucune autorité ne peut et ne veut s’assumer.

L’AEEM jouissant ainsi de l’estime et de la faveur de la haute hiérarchie, voit ses doléances toujours satisfaites au détriment de celles des enseignants. Il est déplorable que même les étudiants de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie (FMPOS) s’adonnent à la pratique de la violence. En effet, certains étudiants de cette faculté ont utilisé un fer à repasser électrique pour bruler un de leurs camarades qui n’a pas respecté un ordre reçu (réparation d’une ampoule défectueuse de la chambre d’une fille). Comment qualifier cet acte indigne et cruel de tout étudiant encore moins d’un étudiant en médecine ?

Les femmes enseignantes, le personnel administratif féminin et les étudiantes vivent continuellement dans la psychose des violences qui sont devenues leur quotidien. Elles sont la cible de violences physiques, verbales et psychologiques de la part de certains étudiants. Certaines d’entre elles se sont vues obliger de renoncer à donner des cours au-delà de 18h et à surveiller les épreuves d’examens, car leur sécurité n’est pas assurée. Il est arrivé qu’un étudiant ait harcelé une enseignante en lui disant : « Madame, je t’aime et je vais te marier ».

Les violences ont continué de plus belle, surtout à l’endroit des étudiantes, il est ressorti des entretiens qu’un réseau de proxénètes serait créé par l’AEEM servant d’intermédiaire entre les étudiantes et les enseignants d’une part et les étudiantes et l’AEEM d’autre part. Les étudiantes sont contraintes à se soumettre à des pratiques indécentes pour réussir. Par ailleurs, certaines utilisent délibérément leur corps pour séduire les professeurs dans le but de passer aux examens. Elles n’hésitent pas à mettre sur leurs copies d’examen des numéros de téléphone avec invitation dans les hôtels ou autres lieux de rencontres.

Le cycle de la violence continuant de plus belle, deux agents du CENOU ont été victimes d’un accident à moto prémédité par des militants de l’AEEM pour des motifs fallacieux (refus de signer un document conçu par l’AEEM sans l’aval de l’administration). Une des victimes (femme) traine des séquelles à vie. Personne n’est épargné sur le campus, certains chauffeurs de bus auraient été agressés par des membres du bureau de l’AEEM qui refusaient de payer les frais de transport (50 F), pire, ils auraient même expulsé deux chauffeurs des bus pour prendre eux-mêmes la direction de ces véhicules exposant leurs camarades à des accidents.

Le comité AEEM de Katibougou a occupé illicitement un bâtiment qui était rénové pour la restauration pour en faire un logement. Le CENOU a attiré l’attention de l’administration sur le risque encouru à cause des différentes installations électriques qui ont augmenté la charge du compteur. Malheureusement rien n’a été fait jusqu’à ce qu’un incendie se soit produit.

Le programme présidentiel « un étudiant un ordinateur », n’a pas pu atteindre son objectif qui permettait aux étudiants de disposer d’outils de travail moderne. En effet, sur chaque lot d’ordinateurs livrés à une faculté, l’AEEM se donnait le droit d’en prendre une trentaine. Le fait le plus déplorable est celui de l’Université de Ségou qui a bénéficié seulement de 250 ordinateurs après répartition. Sur insistance de l’AEEM de lui rétrocéder 150 ordinateurs et devant le refus du recteur elle s’est référée, par appel téléphonique au département qui a instruit au recteur de s’exécuter.

L’AEEM se trouve également au centre de plusieurs magouilles notamment, de faux et usage de faux. La fouille d’une chambre occupée par un responsable de l’AEEM a permis de découvrir des cartes bancaires, des faux billets de banque, des armes très sophistiquées, une gaine de PKM qui peut tirer plus de 600 balles en un coup, des faux cachets de tous les maires du Mali pour confectionner des faux certificats de résidence à leur convenance, etc.

Dans la même logique, les frais de transport de 100 000 F/ an par étudiant originaire de Kidal, aurait suscité des appétits à tel point que de nombreux étudiants se sont fait confectionner des faux certificats de résidence de Kidal dépassant ainsi la population entière de cette région. La fraude était si manifeste que le CENOU, pour la juguler, a décidé de collaborer avec les académies où les candidats ont été admis au baccalauréat.

Le service de gestion des bourses et des aides du CENOU dénombre en moyenne 500 faux dossiers par an, qui sont rejetés soit à cause de fausses pièces justificatives, soit pour inscriptions multiples dans différents établissements, permettant à ces étudiants de gagner parfois plus du million par an. Ces fraudes se feraient avec la complicité de certains comptables du CENOU et des membres de l’administration de certaines facultés, occasionnant des retards dans le processus de paiement des bourses.

L’AEEM DANS LA GESTION DES OEUVRES UNIVERSITAIRES

Créé depuis 2001 le CENOU oeuvre à donner une chance égale à tous les étudiants du Mali pour réussir leurs études en leur fournissant les services suivants: restauration, logement, bourses, trousseaux, aide sociale pour ceux qui n’ont pas la bourse, frais de thèse, frais de transport (réquisition), etc. Il met des bus à la disposition des étudiants lors de leurs sorties et appuie l’organisation des activités sportives et culturelles. Présentement, le CENOU dispose de trois directions régionales (Bamako, Ségou et Koulikoro) dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique de déconcentration et pour une gestion de proximité efficace et efficiente au bénéfice des étudiants maliens.

L’AEEM s’occupait de la gestion des oeuvres universitaires. Avec la création du CENOU l’Etat a procédé au transfert des responsabilités mais avec complaisance. Suite à une analyse de la situation actuelle, l’argent et le pouvoir ont détourné l’AEEM de ses objectifs premiers.

Par son ingérence dans le processus d’attribution des chambres universitaires, le nombre d’occupants du campus de Badalabougou est passé d’une capacité d’accueil de 600 à 3000 occupants. La gestion des parkings par l’AEEM dont les recettes annuelles varient entre 300 et 500 millions selon les facultés a conduit à des situations dramatiques. C’est ainsi que les autorités ont signé en août 2011 un protocole d’accord qui retirait à l’AEEM la gestion des chambres tout en lui accordant des avantages tels que:

– Le versement de 10% des recettes générées par les résidences pour financer ses activités afin mettre fin aux différentes quêtes ;

– L’octroi de 22 chambres dans chaque résidence universitaire ;

– le bénéfice de 10% des frais de vente des cartes délivrées par le CENOU pour faciliter l’accès à ses services.

L’AEEM n’a jamais respecté les clauses des différents contrats et protocoles. C’est ainsi que dans la résidence universitaire de la Faculté des Sciences et Techniques (FST), elle gère plus de 200 lits et tient des reçus parallèles, de surcroît elle déloge nuitamment les occupants légaux installés par le CENOU, au profit de loubards, de féticheurs, de marchands ambulants et autres qui lui payent jusqu’à 25000 F/an au lieu de 10000 et 15000 F.

Les membres du bureau de coordination, constitué par les « éclairés » et les « négociateurs », sont respectivement logés dans des villas (100.000 F par mois) et dans des appartements à la charge du CENOU. Quant aux « perturbateurs », ils ont le privilège de loger gratuitement sur le campus universitaire.

L’AEEM aurait exprimé un besoin de rénovation des logements en déposant une requête auprès du CENOU. Après l’achat des équipements pour la rénovation, le CENOU s’est vu apostrophé par l’AEEM pour exécuter elle-même les travaux. Suite au refus du CENOU, l’AEEM aurait appelé le département qui a instruit au CENOU d’accéder à leur demande.

L’AEEM aurait aussi pris l’habitude de défoncer les portes des magasins de stockage pour s’accaparer des équipements.

Souvent pour se donner une certaine notoriété, l’AEEM aime accompagner les nouveaux étudiants qui viennent pour régler leurs problèmes au niveau du CENOU en leur faisant croire que son implication est nécessaire à ce niveau. En réalité, aucun étudiant n’a besoin de l’aide de l’AEEM pour entrer dans ses droits, les textes étant assez explicites à ce sujet. Aussi quand elle apprend que le paiement des bourses est au niveau du trésor et que dans les 72 heures elles seront payées, elle décrète une grève de 72 heures faisant croire que c’est sa mobilisation qui a conduit au paiement desdites bourses.

Des investigations ont révélé que les revenus de l’AEEM sur les logements s’élèvent à 118 millions de F CFA annuellement sans compter ceux de la restauration et du parking.

Ces jeunes qui doivent prendre le relais pour la gestion de l’Etat n’ont aucun intérêt pour la formation académique, leur seul souci c’est la recherche du gain immédiat et facile.

Au regard de tout ce qui précède, on peut retenir que: « Toute la gestion du CENOU, n’est que compromis et compromissions. Si le Mali décidait vraiment de résoudre ce problème c’est simple : il faut juste mettre l’étudiant à sa place ». Cette déclaration est révélatrice du quotidien épouvantable du personnel de cette structure.

LA CONFÉRENCE DES RECTEURS ET LE COLLÈGE DES DOYENS DES UNIVERSITÉS ET FACULTÉS PUBLIQUES DU MALI

Tous les Recteurs d’Universités et Doyens des Facultés se sont exprimés pour partager leurs analyses du problème et leurs témoignages sont assez édifiants. Ils ont souligné la nécessité d’aller vite dans l’action pendant que les temps sont favorables à une résolution définitive de la crise. En effet, l’AEEM est en position de faiblesse présentement car elle ne jouit pas d’une bonne presse auprès de l’opinion publique nationale.

Ils ont souligné que l’AEEM est aussi de mèche avec des opérateurs économiques véreux pour entraîner les facultés dans des contrats de location faramineux en la défaveur des universités pour des ristournes.

A en croire un autre Recteur, lorsqu’on appelle les parents des étudiants en cas de violences meurtrières, on s’aperçoit que ces derniers ignorent les agissements de leurs enfants à l’Université. Ils sont étonnés d’apprendre que ceux-ci sont impliqués dans des actions de violence.

Un responsable de structure frustré par la décision d’un premier Ministre de restituer la gestion des parkings à l’AEEM après celle responsabilisant les secrétaires principaux de l’administration par un Ministre de l’enseignement supérieur (2012-2013) a contribué à affaiblir davantage les gestionnaires des universités.

Suite aux échecs de toutes les tentatives de résolution et particulièrement avec la recrudescence préoccupante de la violence, les Recteurs et Doyens ont organisé une conférence de presse au cours de laquelle une déclaration a été lue. Cette déclaration devrait être remise aux plus hautes autorités.

« Ces actes inqualifiables font que les enseignants, administrateurs, étudiants viennent toujours à l’université angoissés. La violence est devenue un principe régulateur d’une sorte de mode de gouvernance que l’AEEM veut imposer aux autres acteurs du système éducatif que sont les enseignants et les autres étudiants. Elle a pris des proportions très inquiétantes, voire mafieuses ».

LA FÉDÉRATION NATIONALE DE L’ASSOCIATION DES PARENTS D’ELÈVES ET D’ETUDIANTS DU MALI (FENAPEEM)

Au début, la FENAPEEM s’était toujours mise du côté des élèves et étudiants du Mali en témoigne sa position suite au décès de Cabral en 1980 quand toutes les organisations ont appelé à marcher contre l’UNEEM. Mais aujourd’hui elle s’aperçoit qu’elle ne peut plus cautionner le comportement déviant et défiant de l’AEEM (l’appât du gain par la gestion d’une partie des œuvres universitaires, l’indiscipline caractérisée vis-à-vis du corps administratif et enseignant, l’accointance avec certaines autorités politiques et administratives, certains opérateurs économiques, etc.).

La FENAPEEM a été impliquée plusieurs fois dans la résolution des problèmes entre la Coordination de l’AEEM et d’autres étudiants d’une part, et d’autre part entre elle et les structures de l’éducation (retrait des clefs du campus à la Coordination de l’AEEM au profit du CENOU, gestion des parkings dans les établissements secondaires, etc.).

Un membre du bureau de la FENAPEEM, dépité, a relaté un entretien avec un ancien secrétaire général de l’AEEM qui lui aurait confessé qu’il est préférable d’être secrétaire général de l’AEEM pendant un an que d’être fonctionnaire de l’Etat malien pendant 10 ans.

La démission des parents de leur responsabilité ajoutée à la cupidité de certains d’entre eux font qu’ils ne réagissent pas aux violences engendrées par le comportement de leur progéniture. Pour citer un d’entre eux: « on ne tue pas la poule aux œufs d’or ». Un autre parent averti par son frère des agissements de son fils l’aurait accusé d’être jaloux des cadeaux offerts par ce dernier. En termes de solutions, la FENAPEEM propose l’utilisation des médias pour dénoncer les actes de violence dans l’espace scolaire et universitaire, l’organisation des assemblées avec les parents d’élèves pour les informer de la situation réelle de l’école et la constitution d’une coalition avec les femmes pour juguler la crise. La FENAPEEM a fortement exprimé son désir de voir disparaître l’AEEM car ne défendant plus les intérêts des élèves et étudiants du Mali. A défaut de disparaître, cette organisation doit être retirée du secondaire compte tenu du rajeunissement de l’âge des élèves.

LES ANCIENS MINISTRES DE L’EDUCATION, DE L’ENSEIGNEMENTSUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

Sept anciens ministres en charge de l’éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche Scientifique se sont exprimés sur la question de la violence dans l’espace scolaire et universitaire du Mali. Ils estiment que rien de nouveau ne saurait encore être dit sur le sujet car plusieurs fora se sont tenus sur les différentes questions qui préoccupent l’école malienne. Les recommandations de ces fora sont suffisants pour faire face aux problèmes actuels. Cependant, il est déplorable selon eux, de constater que les uns et les autres ne jouent pas leurs rôles. La non application des décisions et le manque de courage politique des plus hautes autorités face à la gestion de l’AEEM, constituent un réel blocage pour le processus de résolution des crises scolaires et universitaires.

Selon certains, il faut que les politiques, notamment le Président de la République, le Premier Ministre, l’Assemblée Nationale et autres Institutions telles que la Sécurité d’Etat, cessent de collaborer directement avec l’AEEM. Les seuls interlocuteurs devraient être les ministres en charge de l’éducation et de l’enseignement supérieur. La résolution des différentes crises doit suivre la voie hiérarchique.

Il est reconnu aux étudiants le droit de militer dans des organisations à caractère corporatiste et/ou politique. En effet, c’est dans les organisations estudiantines que plusieurs hauts cadres de notre pays ont fait leurs premières armes. Toutefois, les opinions exprimées ne doivent pas être transportées sur l’espace scolaire et universitaire.

Tous sont unanimes que l’AEEM est sortie de son rôle. Cependant, sa suppression risquerait de porter préjudice à leur droit de militer dans une association. Laquelle association répondrait uniquement à la défense des intérêts légitimes des élèves et étudiants.

De nos jours, il est regrettable de constater que la réussite sociale et l’ascension professionnelle ne reposent sur aucun mérite. C’est dans cette optique que « les élèves et étudiants prennent la charge de la démission collective en cherchant à se frayer un chemin à travers les actes de violence, d’intimidation, de malversation, de fraude, etc. ».

Si le Mali veut se relever, il faut mettre l’éducation au centre de la politique de refondation de l’Etat. La formation des enseignants est une question très importante qui doit être prise en charge au cours de la transition. Elle serait alors une bonne opportunité pour remettre les choses dans l’ordre. L’AEEM doit être maintenue mais il est clair qu’il faut la recadrer.

LES MEMBRES DU BUREAU DE COORDINATION DE L’AEEM

Le comité a invité les membres du Bureau de Coordination de l’AEEM à plusieurs reprises, mais ils n’ont malheureusement pas répondu à l’appel.

MESURES ET RECOMMANDATIONS

Les points suivants résument les propositions de mesures, solutions et recommandations formulées lors des différentes rencontres :

– suspendre les activités de l’AEEM durant la transition ou au moins pendant trois ans pour relire les textes fondateurs ;

– abroger les conventions et protocoles entre le CENOU et l’AEEM ;

– supprimer l’AEEM dans les établissements secondaires si possible ;

– appliquer les textes et les règlements organisant la gestion de l’université ;

– sévir avec fermeté en cas d’indiscipline notoire ou de manquement aux textes régissant l’Université ;

– mettre fin à l’instrumentalisation de l’AEEM pour des fins politiques ;

– arrêter les interférences et les ingérences administratives, politiques et corporatistes dans les résultats pédagogiques ;

– renforcer le rôle de la Fédération Nationale des Parents d’Elèves et Etudiants du

Mali (FNAPEEM)

– exiger la rigueur pour mettre fin à la complaisance dans le traitement des dossiers ;

– sécuriser l’espace universitaire, faire déguerpir les kiosques anarchiques les remplacer par un super marché et rendre opérationnels les postes de police ;

– récupérer totalement la gestion des œuvres universitaires au profit du CENOU ;

– renforcer la sécurité et la protection du personnel administratif et du corps professoral;

– améliorer les infrastructures scolaires et universitaires ;

– responsabiliser davantage l’administration universitaire pour moraliser le comportement déviant de certains enseignants et améliorer le système pédagogique;

– créer et rendre opérationnel dans les meilleurs délais des postes de sécurité dans les différentes structures universitaires;

– moraliser les diplômes leurs équivalence et la hiérarchisation ;

– traduire en justice les auteurs de tous les crimes;

– reprendre la gestion entière de l’espace scolaire et universitaire par l’administration scolaire et universitaire et le CENOU;

– respecter la voie hiérarchique dans la résolution des problèmes et les prises de décisions ;

– dynamiser et valoriser les pratiques sportives et culturelles dans l’espace universitaire pour leur bien-être et le brassage culturel ;

– interdire les activités de l’AEEM aux heures de cours ;

– mettre en œuvre les mesures et recommandations des fora sur les violences scolaires et universitaires ;

– mettre en place d’un comité de suivi pour la mise en œuvre des différentes mesures et recommandations ;

CONCLUSION

Tous les regroupements et structures rencontrés sont d’avis que le tableau actuel sur la situation au sein des Universités n’est pas reluisant. Pour plusieurs intervenants, l’AEEM est sortie de son rôle depuis sa rentrée au Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) ce qui a marqué un tournant majeur dans la vie de cette association.

L’idée d’organiser un nouveau forum est ressortie plusieurs fois dans les débats. Elle fut écartée, face à l’urgence d’agir et à la non mise en œuvre des recommandations des différents fora qui sont toujours d’actualité.

En janvier 2018, un forum particulièrement dédié aux problèmes d’insécurité dans l’espace universitaire a formulé des recommandations suivies d’une feuille de route qui sont restées lettre morte.

En outre, quoi qu’il advienne de l’AEEM, il est clair qu’un mouvement estudiantin est nécessaire. Partout dans le monde, les organisations estudiantines sont le lieu où se forment les futurs hauts cadres et où se forgent les premières armes dans la politique et le syndicalisme. Le milieu universitaire est un berceau d’idées créatrices, réformatrices et parfois révolutionnaires. Il n’est pas pensable d’extirper l’engagement idéologique de l’université. Mais encore faut-il que cet engagement soit responsable et constructif. Tels seront les défis du mouvement successeur de l’AEEM.

Et enfin pour citer Platon sur la jeunesse et l’excès de liberté : « Quand le père s’habitue à devoir traiter son fils d’égal à égal et à craindre ses enfants ; quand le fils s’égale à son père, n’a plus honte de rien et ne craint plus ses parents parce qu’il veut être libre ; quand le professeur craint ses élèves et les flatte ; quand les élèves n’ont cure de leur professeur ; pas plus que de tous ceux qui s’occupent d’eux ; et, pour tout dire, quand les jeunes imitent les anciens et s’opposent violemment à eux en parole et en acte ; tandis que les anciens s’abaissant au niveau des jeunes, se gavent de bouffonneries et de plaisanteries, imitant les jeunes pour ne pas paraitre désagréables et despotiques ; et bien tel est le beau et vigoureux commencement duquel naît la tyrannie, ce me semble ! » Platon (République, VIII, 562b- 563).

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