Face à l’inaction de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la Commission de régulation des télécommunications, les organes de régulation du secteur de l’audiovisuel dans notre pays, les populations maliennes s’organisent sur les réseaux sociaux pour dire non au diktat que Canal+ et les autres distributeurs d’image dans notre pays exercent sur elles.
Le mouvement de contestation est parti de la décision de Canal+ de faire payer arbitrairement comme à son habitude, le coût du remplacement de son ancien décodeur par un décodeur de nouvelle génération par ses abonnés. Cette décision arbitraire rentre dans la droite ligne des pratiques commerciales déloyales des distributeurs d’image dans notre pays, qui laissent transparaître un manque total de respect envers le citoyen et dans le cas de Canal+ (le distributeur et la chaîne), du racisme pur et simple. Ce mouvement de contestation est donc une opportunité unique d’éclairer la lanterne de nos compatriotes par rapport à certaines pratiques commerciales illégales en cours dans notre pays.
Nombre de nos compatriotes ne le savent peut-être pas, mais le décodeur, le compteur d’eau et d’électricité et la puce téléphonique, sont censés être gratuits pour le client pour une raison simple : ces outils appartiennent à l’entreprise (le distributeur d’image, dans notre cas Canal+, Malivision, et Multicanal, la compagnie d’eau ou d’électricité, Somagep et EDM-SA, ou de téléphonie mobile, Malitel, Orange et Telecel), et non au client, qui n’en a n’a pas besoin pour recevoir le service fourni par l’entreprise.
Par contre, l’entreprise en a besoin pour personnaliser, quantifier et mesurer le service consommé par le client, et lui faire payer la quantité consommée. Dans le cas du décodeur et du compteur, une fois que le client résilie son contrat d’abonnement pour une raison quelconque, l’entreprise reprend son bien pour l’attribuer à un autre client.
L’entreprise peut elle aussi résilier le contrat d’abonnement du client pour non-respect des termes et conditions et reprendre son bien pour l’attribuer à un autre client. C’est pour toutes ces raisons que même chez le client ou dans son téléphone, le décodeur, le compteur d’eau et d’électricité et la puce téléphonique restent la propriété de l’entreprise, qui n’a pas le droit de les vendre au client.
En fait, contrairement à la pratique chez nous, non seulement le décodeur, le compteur d’eau et d’électricité et la puce téléphonique sont censés être gratuits, mais leur entretien aussi incombe à l’entreprise sans frais aucun pour le client, sauf dans les cas de dégradation et/ou de destruction volontaire(s) avérée(s) par le client. Dans ces circonstances, le coût du dommage ou du décodeur, du compteur d’eau ou d’électricité, de la puce téléphonique est déduit de la caution que le client dépose au moment de s’abonner chez le fournisseur de service.
Dans tous les autres cas, ces outils et/ou leurs accessoires en panne sont remplacés par l’entreprise sans frais aucun pour le client. Dans le cas du compteur d’eau et d’électricité et du décodeur, lorsque le client change d’adresse, il informe l’entreprise, qui se charge de récupérer son bien et d’installer un autre dans sa nouvelle résidence.
Aussi, le client qui déménage dans une partie du pays non couverte par le réseau du fournisseur d’image ou d’eau et d’électricité rend son décodeur ou son compteur, qui cesse de lui être utile, et récupère sa caution. Telle est la pratique en France, le pays de Canal+ et d’Orange-Mali, et aux Etats-Unis entre autres.
Dans le secteur spécifique de l’audiovisuel dans notre pays, en plus de l’escroquerie qui consiste à faire payer au client un outil qui ne lui appartiendra jamais, nos distributeurs d’image déterminent la composition et le coût des bouquets qu’ils offrent à la clientèle de manière arbitraire et abusive. Dans un certain nombre de cas, ce problème est créé par les pratiques commerciales déloyales de Canal+, dans le but ultime de réduire la concurrence à zéro. Ainsi le bouquet Canal+ à Malivision n’inclut pas A+, qui est pourtant une chaîne de Canal+ et pour cause : Canal+ se retient volontairement d’ajouter sa nouvelle chaîne, prétendument la plus africaine, au paquet qu’il offre à Malivision, dans une concurrence déloyale visant à lui prendre par la force la clientèle attirée par ladite chaîne.
En effet, A+ est censée être la chaîne la plus africaine et la plus africanisée de Canal+. C’est cette chaîne qui est censée présenter les programmes africains ou africanisés de Canal+, généralement très colorés (les couleurs vives définissent l’Afrique aux yeux de Canal+ et plus généralement, des français). Dans ces programmes, comme dans tous les programmes diffusés sur l’Afrique et les africains, les images montrent rarement notre continent à son avantage: le plan, le contexte et les lieux à présenter sont choisis et les caméras positionnées de manière à donner de l’Afrique cette image écrasée peu attractive d’un continent extravagant, pauvre et misérable qui alimente la propagande négative sur elle dans le reste du monde.
L’existence de A+ aurait dû signifier que Canal+ a désormais un médium pour faire passer ses programmes africains et africanisés pour son audience africaine, d’où l’incompréhension du client devant le choix de la chaîne de créer un plateau spécial pour son audience africaine sur les chaînes non spécifiquement africaines de son bouquet qui diffusent les championnats et les autres compétitions sportives européennes et mondiales. Ces plateaux africanisés, majoritairement occupés par des présentateurs noirs et/ou de couleur, sont naturellement moins riches et moins animés que les plateaux français. Par exemple, la technologie qui permet les analyses pointues des actions des rencontres sportives avec une gestion sophistiquée de l’image, qui a fait initialement le succès de Canal+ dans notre pays, est étrangement absente de ses différents plateaux afro-spécifiques, qui sont par ailleurs plus pauvres en termes d’information et de contenu d’ensemble que les plateaux dédiés aux français.
Ce choix d’installer un plateau africain et africanisé pour des événements européens et planétaires fait partie intégrante du stratagème de Canal+ qui consiste à vider régulièrement ses chaines de leur contenu riche, destiné exclusivement à ses clients français et européens, avant de les diffuser vers l’Afrique, au prétexte fallacieux que les Africains n’ont pas les moyens de s’offrir ledit contenu. Ainsi, la version africanisée par Canal+ des chaînes documentaires est vidée de son contenu principal, les documentaires riches qui ont fait la célébrité de ces chaînes dans le monde, et remplie d’émissions insipides sans intérêt aucun pour leur audience africaine.
Canal Horizon et Canal+ Centre ont exactement la même programmation. En fait, Canal Horizon a été pratiquement vidée de tout contenu utile. Les mêmes films passent tous les jours aux mêmes heures parfois pendant plus de trois mois sur Canal+ Cinéma, une des chaînes de cinéma au contenu le plus pauvre du monde. Par ailleurs, Canal+ n’hésite pas souvent à faire la publicité des événements planétaires comme les « combats du siècle » fréquents en boxe sur la version africanisée de ses chaînes, pour ensuite refuser de les diffuser sur lesdites chaînes, comme pour narguer le client. Le prétexte encore une fois est que les africains n’ont pas les moyens de s’offrir ces contenus très populaires, alors que ces mêmes africains paient, toute proportion gardée, autant sinon plus que les clients français de la chaîne.
En réalité, cet argument ne vise qu’à dissimuler aux yeux des africains le coût exorbitant des bouquets offerts par nos distributeurs d’image, en particulier Canal+. Ainsi, le bouquet VIP de Malivision (toutes les chaînes offertes par le distributeur) coûte 25 000 F CFA, alors que le même bouquet à Canal+ (Evasion+) coûte 40 000 F CFA, avec une sélection de chaînes de moindre qualité. Si Malivision fait payer au client 1000 F CFA pour la réception d’Info plus, une chaîne d’information sportive continue gratuite du bouquet Canal+, France 2, une chaîne publique gratuite, coûte 1000 FCFA sur le réseau Canal+.
Aussi, Canal+ offre à ses clients la seule chaîne Super sport 3 à 7500 FCFA, alors que Malivision intègre toutes les chaînes Super sport dont la 3 et toutes les chaînes sportives de Bein dans son bouquet Malivision qui ne coûte que 12 000 F CFA. Il est vrai que de nos jours, avec l’arrivée des chaînes Canal+ Sport, Super sport 3 n’existe sur Malivision qu’aux heures vides de rencontre de football, la spécialité de la chaîne.
Quant à Bein Sport, qui est censée couvrir avec Super sport les événements sportifs non couverts désormais par Canal+ pour ses audiences africaines, elle va et vient au gré de l’humeur du distributeur, qui impose au client une qualité d’image exécrable et des commentaires en arabe alors que le canal audio français lui est disponible. Très souvent aucune des chaînes offertes ne couvre certains événements sportifs prisés par le public, alors que toutes les chaînes couvrent en même temps les mêmes événements insipides et sans intérêt.
La version africanisée des chaînes sportives de Canal+ est une illustration parfaite de la mauvaise foi de la chaîne. En effet, Canal+ a cessé de diffuser pour son audience africaine les championnats italiens et allemands, les coupes nationales des 5 majeurs du foot européen, les éliminatoires de l’euro et de la coupe du monde zone Europe. Est-ce à dire par exemple que les championnats italiens et allemands sont plus chers que les championnats anglais et espagnols, les deux plus grands du monde aujourd’hui ? Non, mais c’est simplement dans l’ADN de Canal+ de ne pas donner à son audience malienne tout ce qu’elle donne à son audience française par mépris et par pur racisme.
Ainsi, la chaîne programme pour ses audiences maliennes des émissions sans intérêt comme la rediffusion de documentaires sur l’édition d’un tour cycliste vielle de dix ans, ou sur les rallyes auto ou moto datant du siècle dernier, ou sur la vie d’illustre inconnu de certains sportifs à la retraite, pendant qu’elle diffuse en direct ces événements sur ses autres marchés. Quant aux éliminatoires de la Can et de la coupe du monde zone Afrique qu’elle est censée couvrir, elle est très sélective dans le choix des matchs à diffuser : les matchs des Aigles du Mali, en particulier les matchs à l’extérieur, qui intéressent naturellement son audience malienne, sont généralement introuvables sur ses chaînes.
La dernière trouvaille de la chaîne dans sa politique d’africanisation à outrance est l’idée brillantissime d’imposer la diffusion du championnat ivoirien, pas seulement à son audience ivoirienne, mais à toute son audience ouest-africaine, sans considération aucune pour l’intérêt ou non de ladite audience pour un tel championnat. Bizarrement, le championnat ivoirien, le plus africain des championnats couverts par Canal+, est diffusé sur Canal+3 et non sur A+, sa chaîne la plus africaine, alors que les championnats turcs et écossais et certains matchs de la Ligue Europa sont diffusés sur A+, comme pour priver les abonnés de Malivision qui n’ont pas accès à cette chaîne de ces compétitions sportives.
A Canal+, africaniser veut donc dire vider les chaînes de leurs programmes les plus intéressants et les remplir de futilités. Il s’agit là de l’approche classique des entreprises françaises au ‘Doing business’ en Afrique: prendre tout ce qu’elles peuvent sans rien donner ou presque en retour. C’est cette approche qui explique le ratio qualité-prix largement défavorable aux clients africains de Canal+. On peut ainsi affirmer sans risque de se tromper que les audiences africaines ne reçoivent pas de Canal+ ce qu’elles sont en droit d’attendre d’elle. De ce point de vue, le coût des bouquets offerts par la chaîne est encore une fois exorbitant.
Avant de supposer que les africains n’ont pas les moyens de payer les programmes dont il les prive, Canal+ doit commencer par le leur offrir au coût qui lui est rentable. A ce niveau, n’oublions pas que tout ce que vend Canal+ en Afrique est un bonus : l’Afrique n’est pas le premier ni le principal marché de Canal+, sa couverture de l’Afrique n’a nécessité aucun investissement majeur, et le coût de diffusion de ses émissions vers le continent est quasi nul (la chaîne était déjà sur satellite avant de se lancer à la conquête du marché africain). D’autre part, les chaînes Canal+ occupent une place primordiale dans le dispositif de propagande de la France en Afrique, reconnue d’ailleurs dans le cas de RFI par Jacques Chirac fraichement nommé Premier ministre en 1986, lorsqu’il affirma sans détour et avec le plus grand sérieux du monde, que la ‘chaîne mondiale’ ne faisait pas assez de propagande en Afrique. Ce dispositif de propagande est l’arme la plus efficace de la France dans la guerre intellectuelle féroce qu’elle mène contre notre pays pour le contrôle de ses ressources, y compris nos frais d’abonnement à Canal+, sur fond de mépris, de haine et de racisme.
En réalité, c’est ce racisme viscéral qui dicte le contenu tronqué des versions africanisées et de toutes les chaînes Canal+ en Afrique. La honte, c’est que tout cela se passe sous le regard passif et même complice de la Haute autorité de l’audiovisuel, de la Commission de régulation des télécommunications, dont la tâche consiste justement à réguler le secteur de manière à protéger le client. C’est le vide crée par l’inaction et l’incompétence de ces organes qu’exploitent sans vergogne Canal+ et les autres distributeurs d’image au Mali et leurs chaînes pour faire absolument tout ce qu’ils veulent sans conséquence.
Pourtant, ces organes ont tous les moyens de se faire respecter dans ce secteur sensible. Ils peuvent commencer par exemple, par assener une amende record, historique à nos distributeurs d’image, dans le cas de Canal+ en euro, sa monnaie, pour pratiques commerciales déloyales, vols en bande organisée, collusion pour commettre des actes frauduleux, escroquerie, et abus de position dominante et pratiques discriminatoires (dans le cas de Canal+), les obliger à payer ladite amende ou à aller tenter leurs combines honteuses ailleurs, et utiliser l’argent ainsi récolté pour assainir leur secteur. C’est ce genre de réponse intelligente qui obligera les français et les entreprises françaises dans tous les secteurs chez nous à reconsidérer leur stratégie de guerre intellectuelle acharnée contre notre pays.
Nous y reviendrons
Kandioura