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Soudan: les manifestants appellent à des négociations avec l’armée

Au Soudan, les manifestants maintiennent la pression. Rassemblés depuis trois jours devant le QG de l’armée, ce lundi 8 avril, ils demandent aux militaires des négociations directes en vue de la formation d’un gouvernement de transition, pour remplacer le président Omar el-Béchir. La position récente de l’armée semble les encourager.

Dans un communiqué lu devant plus de 40 000 personnes rassemblées, depuis samedi, sur une place devant le quartier général de l’armée, au centre de Khartoum, une délégation de l’opposition a réitéré son appel au départ du président el-Béchir et de son régime. Fait nouveau lundi : le communiqué demande la création d’un Haut-Conseil incluant des représentants de l’armée et des manifestants afin de discuter les formalités de départ du chef de l’État ainsi que l’installation d’un gouvernement de transition qui serait chargé de faire l’intérim.

Joint par RFI, le journaliste Chawgui Abdel Azim, présent sur cette place de Khartoum, lundi 8 avril, assure que la situation est très tendue au sein de l’armée et que plusieurs unités se sont rebellées contre les ordres du ministre. Il témoigne de ce rapprochement de certains militaires avec les manifestants.

« Les véhicules de l’armée bloquent actuellement tous les accès vers le lieu du rassemblement. Les manifestants sont maintenant protégés par l’armée. Les forces de sécurité et la milice de soutien rapide ne peuvent plus les frapper ou les disperser. L’armée soudanaise manifeste son soutien aux protestataires en échangaent, avec eux, les signes de la victoire. Les manifestants portent les officiers sur leurs épaules et font le tour de la place devant le quartier général de l’armée, tout en répétant les appels au départ du régime et du président el-Béchir… Ils ont installé des tentes et des points médicaux sur la place. Le nombre important de manifestants remplit plusieurs avenues menant à cette place, au centre de Khartoum. Comme place Tahrir au Caire, les plus jeunes chantent et dansent en répétant : « Nous ne rentrerons pas jusqu’au départ du chef de l’État » », a-t-il rapporté.

Un incident a par ailleurs eu lieu à l’aube, lundi matin, sur la place du rassemblement. Il a opposé l’armée qui essayait de protéger les manifestants aux forces de sécurité qui tentaient de les disperser. Un officier a été tué.

Dans la soirée le ministre de la Défense a indiqué que « les forces armées soudanaises comprennent les motifs des manifestations et ne sont pas contre les demandes et les aspirations des citoyens, mais elles ne laisseront pas le pays sombrer dans le chaos ».

Quant au chef d’état-major de l’armée, il  a affirmé que celle-ci « continuait d’obéir à sa responsabilité de protéger les citoyens ».

« Aujourd’hui, il [Omar el-Béchir] est devenu une charge, surtout pour l’image du Soudan à l’international, avec son mandat d’arrêt par la CPI. Donc, je pense que les discussions qui ont lieu à l’intérieur du régime, ce sera comment s’en débarrasser.

Est-ce un tournant dans la crise ? Un point de basculement ?
■ Témoignage
Hamid est un manifestant de 28 ans, il a passé les deux dernières nuits à camper devant le quartier général de l’armée. Il témoigne à RFI.

« J’y suis resté hier et avant-hier, mais c’est assez dangereux parce que les forces de sécurité viennent nous attaquer. La nuit dernière ils sont venus vers 1h ou 2h du matin. Ils ont tiré des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes et ils ont même en  tiré à balles réelles en l’air pour  qu’on se disperse. Mais nous continuons, les gens sont de plus en plus motivés et de plus en plus nombreux à se joindre à nous.  

C’était effrayant, parce qu’ils tiraient à balles réelles, les gens couraient dans tous les sens. Certains manifestants ont sauté par-dessus des murs pour se réfugier dans des bâtiments, certains ont même réussi à s’introduire dans les bâtiments de l’armée. Ceux qui n’ont pas réussi à se cacher ont été arrêtés, d’autres qui ont été blessés ont été transportés à l’hôpital.

Alors qu’on se cachait, l’armée a commencé à tirer sur les forces de sécurité..  Je pense parce que certains policiers s’étaient introduits dans le camp militaire, mais aussi parce que les simples soldats nous soutiennent, et soutiennent cette révolution. »

On est optimistes. Il y a de bons signes après quatre mois… La situation est en train d’évoluer très vite…

Rachid Sayid Yacoub, porte-parole de l’Association des professionnels soudanais, l’APS, l’un des principaux organisateurs de manifestations.
Par Léonard Vincent
rfi.fr

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