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Entretien avec Me Baber Gano : Le regard critique du Secrétaire Général du RPM sur l’arrêt de la Cour Constitutionnelle

22 Septembre : Le vice-président Assimi Goita vient de destituer le Président de transition Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane. Quels commentaires faites-vous de ce putsch ?

Me Baber Gano : Je suis démocrate, je déplore ce coup de force parce que j’ai bu dans les sources de la démocratie, de la bonne gouvernance. Je suis républicain et naturellement je condamne toute prise de pouvoir par la force.

Pour être honnête avec moi-même, cette seconde irruption du vice-président n’est pas un coup de force, parce que ce pouvoir-là était son pouvoir, parce qu’il fait partie du triumvirat de l’exécutif de la transition en ce sens qu’il a lui-même prêté serment avec le Président de la transition. Alors, où est le coup d’Etat ? Il s’agit pour moi d’une réorientation de la transition pour respecter les serments.

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22 Septembre : Le vice-président a rencontré le vendredi dernier la classe politique et la société civile. Quelle lecture vous en en faites ?

Me Baber Gano : Je n’y étais pas personnellement, mais c’est à travers un communiqué à la Télé sur les réseaux sociaux que j’ai appris cette rencontre. Je salue cette initiative qui, à mon avis, pose les jalons de la recherche de l’inclusivité que les autorités de la transition ont souhaité dans la conduite de cette période sensible.

Ceci dit, le communiqué a parlé d’une rencontre d’information et ceux qui y ont participé ont été informés d’un certain nombre d’explications sur les raisons de la nouvelle orientation de la transition, et aussi de la volonté de désignation d’un Premier ministre dans les rangs du M5.

L’initiative est à ses débuts, je ne vais pas la critiquer. Pour une incluvisité, il faudrait aller plus loin par des initiatives participatives à la prise de décision.

22 Septembre : La Cour constitutionnelle a désigné Assimi Goita comme Président de la transition, dans un arrêt public vendredi soir, Quels commentaires pourrez-vous nous livrer ?

Me Baber Gano : Dans le fondement de son arrêt la Cour dit être saisie par le Ministre directeur de cabinet du vice-président par une lettre N° 000145 du 27 mai 2021 lui transmettant la lettre de démission du président M’Bah Daw, sans préciser à quel titre ou pour quel objet. Est-ce à titre d’information, en ce moment cela ne nécessitait aucun arrêt ou bien à titre d’avis en ce moment posera un problème de hiérarchie de la qualité de la saisine du moment où le vice-président, membre du triumvirat de l’exécutif de la transition puis qu’il a prêté serment avec le président, pouvait lui-même saisir la Cour pour qu’elle constate la vacance du pouvoir, après la démission actée de M’Bah Daw et recueillir son avis. Ou à défaut au 3 ème organe au rôle législatif reconnu par la Charte en l’occurrence le CNT de saisir la cour pour recueillir son avis et combler le vide juridique créé par le silence de la Charte et la non application de la Constitution du 25 février 1992, au regard de l’article 36 comme soulevé dans  v  l’arrêt.

Dans la hâte, à mon avis, au lieu que la cour dirige le requérant vers la bonne application de la Charte qui malheureusement dans sa conception actuelle n’a pas prévu la vacance du pouvoir du Président de la transition ou tout empêchement d’exercice comme celui de l’incident du 25 mai 2021 qui a mis fin aux fonctions des prérogatives du Président et de son Premier ministre, la Cour s’est précipitée à prendre un arrêt qui ne trouve pas un fondement juridique constitutionnel dans les instruments des actes fondamentaux actuels dont elle est censée être la garante ou le juge constitutionnel ou le régulateur du fonctionnement des institutions . Elle a donné un avis en suppléant à la vacance du pouvoir du Président de la transition sans que la Charte de la transition ne l’ai prévue. C’est pourquoi j’ai dit qu’elle est sortie de son rôle de garant de la Constitution pour se transformer en constituant et législateur de loi fondamentale. C’est un rôle de régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics qui n’arrange pas à mon avis le vice-président Assimi Goita. Il aurait fallu seulement pour la Cour demander au requérant de faire jouer les mécanismes de révision de la Charte à travers son article 21 je cite : « l’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au président de la transition et au tiers (1/3) des membres du Conseil national de transition. »

A mon avis à défaut d’une saisine du vice-président pour recueillir l’avis de la cour sur la vacance du pouvoir du président, il appartenait au CNT de prendre l’initiative de la révision de la Charte, d’y insérer les dispositions de vacance du pouvoir face à la situation créée et de prévoir que le vice-président, ayant déjà prêté serment, pouvait remplir les prérogatives et attributs du Président de la transition démissionnaire. Une telle démarche aurait permis à la Cour de garder son rôle constitutionnel de juge de la Charte et de la Constitution et lui aurait permis de donner un avis favorable à la révision de la Charte et à la modification de l’article 7 pour donner un fondement constitutionnel à l’arrêt No 2021 – 02 /cc/ du 28 mai 2021 pour la vacance du pouvoir et garantir au vice-président des prérogatives non usurpées constitutionnellement mais acquises de bon droit. Mais la Cour est allée trop vite dans sa saisine et a pris un arrêt constitutionnellement inconfortable.

Propos recueillis par

 El Hadj Chahana Takiou

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