Généralement connu sous le terme d’agent de propreté dans les grandes villes, ou plus familièrement au Mali sous le nom de « N’gnaman Bona », avec une charrette à remorquage humaine ou d’ânes, le ramasseur d’ordures ménagères appelé aussi « éboueur » ou « Ripper » est une personne qui collecte les déchets ménagères pour les acheminer jusqu’à leur décharge finale, moyennant une somme fixée proportionnellement à la quantité et à la distance. D’où « il faut être brave pour faire ce travail ».La gestion des déchets urbains est l’une des questions environnementales les plus préoccupantes pour les pays en développement. Au Mali, cette gestion est du ressort de la municipalité (mairie). Le ramassage des ordures est ensuite pour les éboueurs, une activité risquée voire dangereuse. Ce caractère dangereux est relatif d’une part, à la conception biomédicale associant le déchet aux maladies et d’autre part, à la pensée culturellement partagée selon laquelle les tas d’ordures sont le siège d’esprits malveillants. En effet, dans le ramassage des ordures, les risques d’accidents sont assez élevés. Que ce soit les blessures occasionnées par la charrette pendant sa traction ou celles causées par des objets tranchants contenus dans les ordures, les rippers sont en permanence exposés aux accidents et aux maladies au cours de leur travail, dans la mesure où la plupart d’entre eux travaillent sans aucun matériel de protection. De plus, l’inhalation de la poussière et des mauvaises odeurs à longueur de journée n’arrange pas la situation. En outre, il est fréquent de retrouver dans les ordures ramassées dans les maisons, des matières fécales emballées dans des sachets plastiques ou contenues dans des couches pour enfants. Parfois, ce sont des fœtus avortés, des gris-gris ou amulettes, des objets occultes qui y sont retrouvés. Ces amulettes et objets occultes sont considérés par les Eboueurs comme porteurs de charges spirituelles négatives pouvant nuire à celui qui les touche. A LIRE AUSSI Selon nos investigations menées au moyen d’enquête qui a consisté à observer des éboueurs pendant leurs tournées de ramassage dans les quartiers de Bamako, il en ressort que les ramasseurs d’ordures perçoivent leur travail comme dévalorisant, difficile et dangereux. Cependant, ils ont d’eux-mêmes une image gratifiante car surmontant toutes sortes de danger pour maintenir la propreté des maisons et de la ville. Fidel Mounkoro, un ramasseur d’ordures nous confie que ce métier est tout pour lui. « Chaque année, après les travaux champêtres, je viens à Bamako pour ramasser des ordures ménagères moyennant une rémunération. Avec cet argent que je gagne, je subviens à tous mes besoins, je nourris mes ânes, j’envoie quelque chose à la famille et j’arrive aussi à faire de l’épargne. Je peux faire trois tours dans la journée. À chaque chargement, je peux avoir 3000 voire 4000 FCFA. J’ai tout eu dans ce travail, je construis ma maison», a-t-il confié. Et d’ajouter : « Je n’ai jamais cherché à faire autre chose à part ce travail. Pour moi, il n’y a pas un autre travail qui peut me donner plus d’argent que ce job ». Le ramassage des ordures en tant que travail des déchets, reste dans beaucoup de sociétés, une profession socialement dégradante du fait de la manipulation de la saleté. Il constitue de ce fait un facteur de stigmatisation pour ceux qui l’exercent. Au Mali, cette stigmatisation touche les ramasseurs d’ordures surtout ceux utilisant des charrettes à remorquage humaine. « On nous appelle de tous les noms, parce qu’on est malpropre. Il y a ceux qui refusent même de nous donner à boire parce qu’on est sale. On est marginalisé dans la société du fait qu’on traite des ordures », a relaté Ousmane Sanou, un ramasseur d’ordures. En considérant la stigmatisation, les difficultés et les risques liés à l’exercice de la profession de ramassage d’ordures, les éboueurs se perçoivent comme des gens courageux qui bravent le danger pour rendre service à la société. À travers leur métier, ils viennent en aide aux populations en les débarrassant de leurs restes. De ce fait, le caractère nécessaire de leur travail ne fait aucun doute. Djenebou Diallo, ménagère estime que sans ses Eboueurs, les quartiers seront inondés de déchets. « La mairie ne fait pas correctement son travail alors qu’on paye chaque mois pour les ordures. Par semaine, la mairie peut venir une seule fois, on est obligé de payer encore les éboueurs informels pour ramasser nos déchets», a-t-elle déclaré. Si le ramassage des ordures est un travail de dernier recours pour certains, d’autres voient le contraire. Cependant, il ne faut pas s’éterniser dans ce job. Bien que ce travail leur garantisse des revenus, les ramasseurs sont unanimes pour attribuer à leur profession un caractère temporaire. Ainsi, un travail impliquant un contact direct avec les déchets comme le leur, ne devrait-il pas être exercé pendant très longtemps. Oumar Sawadogo L’Observatoire |