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Décryptage : Macron/Goïta : Je t’aime, moi non plus

Les relations entre Macron et Goïta sont orageuses. Réussiront-ils à s’écouter, s’entendre et se comprendre pour mieux organiser la lutte contre le terrorisme ?

Les crises révèlent la personnalité des dirigeants, élus ou nommés. C’est le premier test entre Macron et Goïta pour mesurer leur capacité à coopérer à un an des élections présidentielles française (avril 2022) et malienne (février 2022). A l’origine des tensions entre eux, les propos de Macron dans le Journal du Dimanche du 30 mai 2021 : « … Je ne resterai pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition… L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie !».

Le grand chamboulement

Le Président Macron a donné le ton. Au lendemain du 2eme coup de force du colonel Assimi Goïta, conduisant à la démission du Président de la Transition, Bah N’Daw, le Président français s’interroge sur le maintien de la force Barkhane au Mali. Que traduisent ces propos ? Il s’agit d’attirer l’attention des chefs d’Etat de la Cédéao pour mettre la pression sur le colonel Goïta, qui réplique illico presto. Goïta est déclaré par la Cour constitutionnelle du Mali, Président de la Transition et chef de l’Etat en raison de la « vacance de la Présidence de la transition suite à la démission de Monsieur Bah N’Daw, Président de la Transition, chef de l’Etat », article 1 de l’arrêt n°2021-02/CC/vacance du 28 mai 2021.

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Mais le coup de grâce arrive le lendemain de l’arrêt de la Cour constitutionnelle où le colonel Goïta est légitimé à Accra lors du sommet extraordinaire des chefs d’Etat sur la situation du Mali. Goïta revient d’Accra avec une sanction symbolique (suspension du Mali des institutions de la Cédéao) et des exigences, respect du calendrier électoral et nomination d’un Premier ministre civil. Or Emmanuel Macron dénonçait dans ses propos la nature du pouvoir malien et l’islamisme radical. C’est le grand chamboulement. D’autant qu’au dernier sommet des pays du G5-Sahel à N’Djamena, en plus des efforts militaires, « le retour de l’Etat, des administrations, des services aux populations ainsi que la consolidation de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance… » étaient mis en avant pour stabiliser les pays du G5-Sahel. Mais, ces efforts risqueront de faire flop à cause des tensions entre Bamako et Paris.

Vice-président, la pilule qui n’est jamais passée

Certes, le contexte du Sahel a évolué depuis la mort d’Idriss Déby, succédé par son fils, Mahamat Idriss Déby. Et patatras. Le soutien international à la transition tchadienne a fait pâlir d’envie le colonel Goïta. Lequel Goïta, après son putsch du 18 août 2020, s’est vu refusé le poste de Président de la Transition par la Cédéao. Il s’est contenté de la Vice-présidence de la Transition, une pilule qui n’est jamais passée. Un putsch peut en cacher un autre. Les difficultés de travailler avec Bah N’Daw, Président de la Transition « déchargée de ses fonctions », ont profité à Assimi Goïta pour faire pareil que le Tchadien, un an son cadet. Ainsi va l’Afrique et le Mali ! Or Macron craint que le nouvel exécutif malien négocie avec les groupes narcoterroristes pour ramener la paix. Et cela en échange de compromis dangereux avec les extrémistes religieux. D’autant qu’il y a déjà un précèdent. En avril dernier, grâce à la médiation du Haut Conseil Islamique du Mali, un accord de cessez-le feu a été signé à Farabougou (Ségou) entre les chasseurs Dozos et la Katiba du Macina (Aqmi). Cet accord se traduit par l’imposition du voile, les prêches en armes, etc. Le risque que de tels accords se multiplient au Mali est réel. Comment faire ?

Le Mali et la France, un vieux couple qui s’engueule, mais qui ne rompt jamais

Il est clair qu’un éventuel retrait de la France, sans résultat concret contre le terrorisme, sera considéré comme un échec pour Macron. Il est aussi clair que les propos de Macron dans le journal du Dimanche constituent un ingrédient pour faire monter la sauce populiste et alimenter le sentiment anti français chez une partie de la population malienne. Il est aussi clair que les rivalités entre Macron et Goïta dénotent des luttes de pouvoir entre civils et militaires. L’ambiance de part et d’autre est aigre. Néanmoins, au-delà de Macron et de Goïta, le Mali et la France sont un vieux couple qui s’engueule, mais ne rompt jamais.

Un terrain fertile pour l’univers des rejets

Un temps de clarification des différentes positions est nécessaire dans un contexte géopolitique où les jeux de positionnement internationaux (Russie-France) et sous régionaux (Algérie-Maroc) excitent les dirigeants. Sans compter les enjeux électoraux internes. Certes, la rivalité entre Macron et Goïta a fait les choux gras des médias et des Grins. Mais il faut en sortir, car le Mali et la France sont deux amoureux à la Gainsbourg : « je t’aime, moi non plus. Je me retiens… Non, maintenant viens ». Ceci étant, les populations française et malienne en ont assez de ces guerres de positionnement. Le Français voyageant à Bamako dans un cadre amical ou professionnel comme le Malien voyageant ou vivant en France est souvent pris à partie par ses hôtes à cause des relations tendues au sommet des Etats. Pauvre citoyen. Enfin, la polémique née de la menace de Macron de retirer Barkhane du Mali, le spectre d’une crise de confiance et la suspension du Mali des institutions de la Cédéao constituent un terrain fertile pour l’univers de rejets dont les narcoterroristes restent les heureux bénéficiaires. Or tout l’enjeu des relations actuelles entre les deux pays, c’est la lutte contre le terrorisme et le retour à l’Etat de droit.

Mohamed AMARA – Sociologue

Mali Tribune

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